
Affaire Galliano : LVMH a appliqué avec succès les leçons de la crise Guerlain.
En matière de communication, mieux vaut ne pas commettre la même erreur deux fois. C’est ce même constat qu’ont fait LVMH et John Galliano – l’un à son bénéfice, l’autre à son détriment – lorsque le couturier star s’est retrouvé inculpé pour insultes antisémites et raciales le jeudi 24 février dernier.
Le « dérapage » de John Galliano rappelle celui d’un personnage emblématique d’une autre des marques du groupe, Guerlain. Jean-Paul Guerlain, ancien « nez » à succès de la Maison de parfumerie, avait déclaré à l’occasion d’une interview : « pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… » Ces propos sans équivoque avaient profondément choqué l’opinion. S’en était suivies de graves erreurs de communication de la part de Guerlain et de son actionnaire LVMH : la marque avait réagi beaucoup trop tard, et maladroitement. Ainsi, lorsque Jean-Paul Galliano « dérape », c’est la deuxième fois en quelques mois qu’un des personnages emblématique d’une des filiales de LVMH est accusé de propos racistes. Mais LVMH a appris de ses erreurs, et sa communication est, cette fois-ci, exemplaire.
Tout d’abord, Dior prend rapidement conscience des enjeux. Dans l’ « affaire Guerlain », la filiale de LVMH n’avait pas compris que les propos de son ancien dirigeant allait se retourner contre elle. A l’inverse, Dior comprend immédiatement que les insultes racistes de Galliano peuvent porter gravement et durablement atteinte à son image de marque, atout fondamental de toute grande marque de luxe. Et s’il faut des années voire des décennies pour la construire, quelques jours peuvent parfois suffire à l’entacher pour longtemps.
Deuxième réflexe positif : LVMH et Dior ont intégré la nécessité de communiquer en situation de crise, et de communiquer rapidement. Rappelons que le silence de Guerlain avait été très mal perçu et que la réaction très tardive de la marque donnait l’impression qu’elle avait été acculée à la réponse. Sa fermeté affichée passait pour une adhésion de principe à l’indignation générale. Cette fois-ci, la réaction est rapide : Dior conserve le contrôle de la situation tout en montrant son implication.
Troisième réussite : le message de Dior est exemplaire. Les séquelles de l’affaire Guerlain ne lui permettent pas d’afficher la moindre tolérance à l’égard de John Galliano. Malgré le très mauvais timing (la Fashion week doit débuter à Paris dans quelques jours), la marque affiche la plus grande fermeté : John Galliano est mis à pied, « dans l’attente des résultats de l’enquête ». Ce message de tolérance zéro agit comme un signal à l’égard de l’ensemble de l’opinion publique, par lequel LVMH s’amende de ses erreurs passées.
Si LVMH se montre décidé à ne pas reproduire celles-ci, John Galliano est quant à lui être rattrapé par les siennes. La vidéo antérieure à l’affaire qui circule soudain sur internet et dans laquelle on le voit proférer des insultes antisémites aggrave son cas et lui ferme toute possibilité de plaider « l’incident isolé ». Comment soutenir qu’il s’agissait d’un débordement inhabituel de sa part, alors même qu’il existe un précédent, avec la preuve en images ?
La ligne de communication de Dior –l’intransigeance – est pleinement justifiée : l’annonce du licenciement de John Galliano vient la renforcer.
Dernière étape de la communication millimétrée de Dior, le défilé parisien est finalement maintenu : la griffe signifie ainsi son respect pour les mois de préparation du défilé par toutes ses équipes et marque la distinction entre les positions personnelles du couturier et ses créations. Preuve ultime que John Galliano ne représente pas Dior à lui tout seul, ce sont les petites mains en blouse blanches qui viennent saluer à la fin du défilé après que leur PDG leur a rendu hommage.
LVMH a magnifiquement su tirer les leçons de l’ « affaire Guerlain », alors que « le passé a présenté sa note » à John Galliano, selon l’expression de Patrick Lagadec. En matière de communication, il vaut mieux ne pas commettre les mêmes erreurs deux fois : sa capacité à tirer les conséquences de ses défaillances dans l’affaire Guerlain a valu à LVMH un succès de communication indiscutable dans l’affaire Galliano.