Camille, ou les “zadistes” et leur communication transversale
Vous aviez surement entendu parler des » Zones d’aménagement différé “. Vous savez, les ZAD, clés de voûte de l’urbanisme triomphant des années 60 et 70. Mais aujourd’hui, cet acronyme a pris un sens bien différent, celui de « zones à défendre « . Et de fait, depuis le début du mois de novembre, c’est presque devenu une marque déposée.
Les « vraies » ZAD ont été créées en 1962 dans le cadre d’un dispositif anti-spéculatif, afin d’éviter la flambée soudaine des prix des terrains destinés à des projets d’aménagement publics. L’organisme titulaire de la convention d’aménagement se voit ainsi accorder un droit de préemption sur toutes les ventes dans la zone désignée pendant 6 ans.
Depuis, les militants mobilisés contre les projets d’aménagement – de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes au barrage de Sivens, en passant par la ferme des » 1000 Vaches » – ont allègrement détourné et popularisé ce nom… pour en faire un atout de communication.
Ce sujet brûlant et hautement politique des « zones d’aménagement différé » ou des « zone à défendre » (selon le point de vue) a pris un tournant dramatique avec la mort de Rémi Fraisse à Sivens, qui a servi de catalyseur à une guerre ouverte entre les « anti-barrage », autoproclamés « zadistes », et le Gouvernement. Si les premiers ne peuvent pas encore revendiquer une victoire définitive tant qu’une décision finale sur l’avenir du projet n’a pas été prise, ils sont au moins clairement en train de gagner sur le front de la communication.
Jusqu’à la tragédie de Sivens, la mobilisation à grande échelle de Notre-Dame-des-Landes était sous les feux de la rampe, suivant un schéma médiatique assez typique : des opposants très motivés « squattant » la zone, et des journalistes spéculant sur la possible démission des ministres écologistes du gouvernement, ou sur l’impact que cette question pourrait avoir sur la cote de popularité de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre… qui avait été précédemment l’un des principaux soutiens du projet lorsqu’il était maire de Nantes.
Le drame de Sivens a été l’occasion pour les militants d’élaborer une véritable stratégie de communication transversale, à la fois originale et efficace. Ils s’approprient le nom de « ZAD », comme « marque ombrelle » de leurs manifestations : ils peuvent ainsi contester aussi bien le projet de Notre-Dame-des-Landes que celui des « 1000 vaches » ou de Sivens et les réunir dans un combat commun.
C’est un signe de ralliement contre « l’absurdité des politiques de développement non respectueuses de l’environnement et insensées » affirment les militants. Entièrement dévoués à leur stratégie de marque, les porte-parole des « zadistes » ont en outre décidé qu’ils s’appelleraient tous « Camille » lorsqu’ils s’expriment dans les médias, afin de prouver qu’ils sont tous unis contre un même ennemi supérieur… Erreur ? Au contraire, nous pensons qu’il s’agit là d’une brillante tactique de communication : chacun de ces événements isolés est désormais regroupé sous la même bannière (Camille et les zadistes), dans une croisade universelle du faible contre le fort.
Les zadistes ne manquent pas d’idées pour tirer profit de cette habile communication et capter encore un peu plus l’attention des médias. Sur le modèle de cet opposant au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (qui s’appelle René Leblanc, et non pas Camille) qui vient de déposer la marque « ZAD » auprès de l’INPI, afin « d’empêcher que ce symbole même de la lutte pour le respect de l’environnement soit exploité à tout va » comme il l’explique.
La boucle est donc bouclée. « ZAD » est devenue un label de communication pour véhiculer des messages politiques hostiles aux grands projets de développement. Les aménageurs sont désormais condamnés à définir et mettre en œuvre des stratégies de communication innovantes et plus fortes afin de démontrer à la population l’utilité publique de leurs projets.