
Changement de nom : entreprise et parti politique, même combat ?

Les entreprises qui se sont décidées à changer de nom l’ont le plus souvent fait à l’occasion d’un virage stratégique majeur (de PPR à Kering, de France Télécom à Orange en 2013) ou d’une cession (de Vivendi à Véolia Environnement en 2003) ou à l’issue de grosses crises, voire de scandales (du Crédit Lyonnais à LCL en 2005). Pour les partis politiques, le changement de nom paraît plus « banal » ou fréquent. « Les Verts, Confédération écologique – Parti écologiste » ont simplifié le leur en « Les Verts », avant de devenir, en 2010, « Europe Ecologie – Les Verts ». Dans la foulée de la présidentielle de 2007, le centriste François Bayrou baptisa son parti, « le Mouvement démocrate » (Modem), puis en 2013 « L’Alternative UDI-Modem », fut créée en vue des élections européennes.
Alors que Marine Le Pen continue d’entretenir le doute sur sa volonté de changer en « Bleu Marine » le nom de son parti, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), créée en 2002, vit probablement ses dernières semaines sous son appellation actuelle. Le congrès de refondation du 30 mai prochain devrait entériner le choix d’un nouveau nom : « Les Républicains ». Cette nouvelle appellation, qui serait la sixième depuis l’instauration de la Ve République (1), n’a pas manqué de faire réagir à droite comme à gauche et est riche de signification en terme de communication.
L’abandon des simples initiales pour un nom englobant et « désidéologisé » (2), porteur de contenu et de force symbolique, par la référence à la République, patrimoine commun des citoyens français est un changement sémantique intéressant. S’appeler « Les Républicains », c’est un moyen de permettre le « rassemblement » (nom un temps envisagé) de la droite et du centre, par essence… républicains. Il permet aussi au mouvement de sortir des « affaires » (Bygmalion, lutte fratricide Copé-Fillon pour la présidence du parti fin 2012). C’est enfin une manière de casser le slogan du Front national, ardent pourfendeur de « l’UMPS ».
Mais ce changement de nom apporte avec lui son lot d’oppositions qui vont de l’accusation de « hold-up sémantique », dénoncé à gauche (3), à droite et au centre (4), à la confusion créée avec républicains américains. Selon un sondage Odoxa pour iTÉLÉ, publié le 17 avril, même les militants UMP ne semblent pas convaincus puisque 56% d’entre eux préfèrent l’actuel nom du parti.
Mais, si les changements de nom sont plus fréquents au sein des partis politiques que dans les entreprises, ils sont aussi plus lourds de conséquences chez les premiers qui ont vocation à défendre les intérêts du pays, et pas simplement à gagner des parts de marché. C’est particulièrement le cas pour « Les Républicains », compte tenu de la force symbolique de ce nom. Si « Les Républicains » ne veulent pas être accusés d’avoir seulement « repeint la façade », ce changement devra s’accompagner d’actions politiques concrètes et réelles : les nouveaux statuts du mouvement ne pourront pas être seulement retouchés à la marge et le programme politique à mettre en oeuvre dans le cadre d’une éventuelle alternance en 2017 devront être communiquées très vite. Compte tenu de la promesse qu’elle porte, la nouvelle appellation envisagée de l’UMP appelle surtout un impérieux devoir de discipline : il serait en effet très malvenu pour les « Républicains » d’être associés à des soupçons de financements occultes ou de malversations financières ou encore de conflits ouverts entre leurs dirigeants (5)…
Loin d’être anecdotique et de ne représenter qu’un changement de nom supplémentaire dans la vie du parti, il s’agit donc pour Nicolas Sarkozy d’une véritable stratégie de marque, cruciale tant pour l’avenir du parti qu’il préside, que pour son avenir personnel.
- http://www.lepoint.fr/politique/les-republicains-6e-nom-pour-la-droite-francaise-17-04-2015-1922393_20.php
- http://www.franceinter.fr/emission-ledito-politique-lump-devient-les-republicains-0
- Tribune de Jean-Noël Jeanneney dans le Monde daté du 15 avril 2015
- Le Monde daté du 17 avril 2015
- http://www.lefigaro.fr/politique/2015/04/14/01002-20150414ARTFIG00370-umples-republicains-les-avantages-et-les-dangers-d-un-nouveau-nom.ph