
La communication de François Fillon
En situation de crise, la communication doit suivre trois règles d’or, très simples, dont nul ne peut s’exonérer. François Fillon est en train d’en administrer la preuve à ses dépens.
Pour faire face à un événement contraire, il faut :
- ne jamais se mettre en position d’avoir à se démentir et, pour cela, prendre le temps avant de parler, afin de choisir en toute connaissance de cause une stratégie (reconnaître ou nier ou détourner) et d’être en mesure de s’y tenir jusqu’à la fin de la crise puis tout dire pour éviter de « feuilletonner », révélation après révélation, semaine après semaine,
- « purger » la situation en montrant que l’on règle, sans « mégoter » le problème à l’origine de la crise,
- décrire les mesures que l’on va arrêter pour éviter que les faits incriminés se reproduisent.
Par exemple, une entreprise qui connaît un sinistre industriel doit montrer qu’elle prend toutes les dispositions nécessaires pour déterminer les causes de l’accident, en réparer les conséquences, et notamment indemniser les victimes éventuelles, puis pour faire en sorte qu’un tel accident ne puisse plus avoir lieu. Lors de la catastrophe de l’Erika, Total a payé cher en terme d’image pour ne pas avoir suivi ces règles d’or .
Depuis les révélations du Canard Enchaîné, François Fillon s’en est manifestement écarté avec une constance qui interpelle.
Il a choisi de s’exprimer très vite au 20h de TF1 en direct, pour ne dévoiler qu’une partie de la vérité, ouvrant la porte à une deuxième série de révélations ( « mes enfants avocats ») , mais aussi pour indiquer qu’il souhaitait que le parquet mène son enquête au plus vite et, surtout, qu’il se retirerait s’il venait à être mis en examen. Dans le même temps, son avocat théâtralisait un rendez-vous avec les magistrats, un gros sac au dos censé contenir tous les éléments prouvant la réalité des emplois familiaux, avant que l’on apprenne qu’il s’agissait des bulletins de paie….dont personne ne contestait l’existence, bien évidemment puisqu’ils sont à l’origine de la crise……
Puis, il a chargé ses avocats de contester la compétence du parquet financier et remettre en cause la procédure avant d’annoncer qu’il ne se retirerait pas même s’il était mis en examen, puis de dénoncer mercredi dernier la Justice de manière particulièrement forte, pour ne pas dire violente.
Comme toujours en période de crise, lorsque la communication ne permet pas de maîtriser la situation, on assiste à une escalade qui ressemble à une descente aux enfers.
A chaque étape, le candidat réagit avec plus de vigueur, il électrise sa base, croit avoir réglé le sujet et pouvoir retourner à sa campagne, avant que sa défense ne se retourne contre lui et que l’étape suivante ne le contraigne à une nouvelle initiative qui risque assez vite de l’entraîner encore plus profondément dans la crise.
Ainsi, la séquence médiatique de mercredi, que certains n’ont pas hésité à qualifier de modèle de communication de crise réussie, se traduit par une vague de départs parmi ses soutiens et y compris dans son état-major et rend soudain crédible un éventuel plan B….ou J. Et relance une fois de plus le feuilleton.
Qu’aurait pu faire François Fillon pour éviter cette descente aux enfers médiatiques ?
Tout dire de préférence par écrit afin de maîtriser totalement son expression. Diffuser un communiqué dont chaque terme aura été pesé avec les avocats est le meilleur média avant toute prise de parole orale.
Puis, tout en réaffirmant fortement que ce qu’il avait fait était parfaitement légal , annoncer le remboursement des sommes litigieuses. « Aveu de culpabilité » nous a-t-on objecté lorsque nous avons, dès la révélation du Canard Enchaîné parue, évoqué cette solution. Pas plus que de présenter des excuses aux Français quelques jours plus tard . Mais au lieu de s’en tenir à un peu convaincant, « j’ai fait des erreurs mais qui n’en commet pas », supprimer l’objet du débat en remboursant. Et surtout prendre une initiative suffisamment forte et spectaculaire pour restaurer la crédibilité personnelle du candidat et son image d’homme d’Etat qui fait passer l’intérêt du pays avant toute considération personnelle.
Enfin, annoncer que , »lui Président », une nouvelle loi viendrait interdire tout type de pratique pouvant porter atteinte à la crédibilité des femmes et hommes politiques.
Faute pour lui d’avoir respecté ces trois impératifs catégoriques de la communication de crise, la candidature de François Fillon ne tient plus qu’à un fil, au plus grand bénéfice d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.
Triste bilan.
Eric Giuily
Président de CLAI