
Communication politique : après la pédagogie, la transparence ?
Au cours des dernières années, en communication politique, la volonté de pédagogie a été maintes fois évoquée et présentée comme un impératif absolu. De Nicolas Sarkozy au gouvernement Ayrault, quand il s’est agi d’envoyer les ministres sur le terrain « partout en France » pour expliquer l’action de l’exécutif, on a pu retenir un seul mot d’ordre : pédagogie ! Mais il semble progressivement laisser la place à un nouveau mot d’ordre…
Depuis quelques temps, en effet, une autre exigence semble lui voler la vedette et occupe le devant de la scène : la transparence. A la différence de la communication pédagogique qui correspond à un choix des gouvernants, celle-ci est plutôt subie. Elle répond en effet à une demande diffuse, mais constante, qui va certainement gagner en intensité dans l’opinion publique et chez toutes les parties-prenantes de l’information (internautes et journalistes). Une exigence de preuves d’engagement et d’actions. Au-delà, il existe même une attente, plus compliquée encore à gérer, de justification morale. Avec en filigrane des questions du type : mais au fait, avez-vous des intentions légitimes quand vous agissez ? Vous comportez-vous manière appropriée en public…comme en privé ?
L’actualité récente comporte son lot d’exemples de la sorte. L’affaire Cahuzac, emblématique à bien des égards, a conduit à un projet de loi sur la transparence de la vie publique qui soulève beaucoup de questions, et révèle surtout une tendance de fond profonde. Les politiques sont, et les dirigeants d’une manière générale seront – qu’ils le veuillent ou non et qu’ils l’acceptent ou non – contraints à la transparence.
Au-delà des « affaires », c’est en effet une nouvelle mentalité qui s’esquisse petit à petit et prend racine dans de nombreux événements, au premier abord déconnectés entre eux. L’habitude prise par les journalistes de mettre en lumière et décrypter les coulisses du pouvoir, dont la série de l’été du journal l’Opinion sur « les lieux de pouvoirs insoupçonnés » où se rencontrent les politiques (loges de stade, opéra, chaînes d’info) n’est qu’un exemple parmi d’autres ; la médiatisation de plus en plus forte des « lanceurs d’alerte » que ce soit, en France, le médecin Irène Frachon avec le Mediator, ou encore Edward Swoden qui a rendu publiques des informations classées top-secrètes de la NSA ; et plus largement la pratique désormais usuelle des internautes et des journalistes de commenter et de réagir aux prises de parole des dirigeants, en continu, sur les réseaux sociaux pour les uns et/ou les chaînes d’info pour les autres… Avec à la clé, des risques de dérapage des deux côtés.
Les internautes et les journalistes car ils commentent trop souvent, sans analyser. Que peut-on faire de données brutes rapportées sans mise en perspective ou étude préalable si ce n’est prendre le risque majeur de l’erreur ou de la compréhension hâtive ? Les politiques et dirigeants, quant à eux, sur-alimentent leurs comptes twitter et risquent aussi de perdre pied. Car la spontanéité et la transparence en communication, c’est comme la crise : cela se prépare. Pour éviter de se retrouver en situation de se justifier, d’être démenti…et d’être obligé de s’excuser.