
Débat de la Présidentielle : un vainqueur et deux perdants.

A campagne sans précédent, débat à nul autre pareil. Depuis le célèbre duel Giscard-Mitterrand de 1974, premier du genre, on n’avait jamais assisté à un tel assaut d’attaques personnelles, d’invectives et même d’insultes. Marine Le Pen et Emmanuel Macron n’ont même pas échangé en préliminaire les quelques formules de courtoisie jusque-là de règle dans de telles occasions. Dès les premiers mots, l’affrontement fut direct et sans concession. Mais au terme de deux heures et demi de pugilat, la conclusion est évidente : il y a eu un vainqueur et deux perdants.
Le vainqueur, c’est incontestablement Emmanuel Macron qui a su, sous un flot continu d’insinuations et de contre-vérités, garder une stature présidentielle et expliquer de manière assez pédagogique son projet. En tant que favori des sondages, en tant que nouveau venu dans la politique, il était celui qui avait le plus à perdre. Même s’il n’a pas toujours su éviter une certaine condescendance, même s’il a sans doute eu tort de trop suivre Marine Le Pen sur le terrain du combat où elle voulait l’entraîner, le candidat d’En Marche ! a tenu bon, est resté maître de lui et a atteint son objectif : amener Marine Le Pen à démontrer la vacuité et l’inanité de son programme, notamment sur le plan économique que ce soit pour l’euro, l’industrie ou les mesures fiscales et sociales.
Marine Le Pen a donc perdu son pari : déséquilibrer son adversaire, lui faire perdre son calme et l’amener ainsi à révéler une supposée fragilité. Bien plus, elle s’est prise à son propre piège et, perdue dans ses multiples fiches de couleurs variées, a montré de véritables faiblesses sur le fond des dossiers, sa réelle impréparation, confondant Alstom et SFR ou bafouillant sur l’ECU censé remplacer l’euro. Plus grave, elle s’est progressivement éloignée de la posture de femme responsable et raisonnable qu’elle s’est efforcée de construire depuis près de quinze ans, dans le cadre de la dédiabolisation du Front National, pour se rapprocher de celle de son père, ricanant, interrompant, pratiquant en permanence l’insinuation et jetant l’anathème ! La dernière partie de l’émission a été de ce point de vue, pour elle, catastrophique : sous Marine, perçait chaque minute davantage Jean-Marie. C’est sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen qui a dû être rassurée : ce n’est pas Marine qui amènera le Front National, la firme familiale, à l’Elysée.
Mais, de ce pugilat incessant est ressortie une seconde perdante, la démocratie, car les citoyens ont été privés d’un vrai débat, confrontant les programmes sur les vrais sujets : dans un monde où les tensions et conflits sont plus nombreux que jamais, huit minutes ont été consacrées à la politique internationale, hors Europe. Pas une phrase sur la transition énergétique ou le climat, le mot environnement n’a même pas été prononcé !
Il ne reste qu’à espérer que la violence de l’explication aura détourné une partie des électeurs tentés par l’abstention de leur inclination et les conduira à aller voter dimanche. D’un débat décevant serait sorti un bien pour la vie démocratique de notre pays.