
… ce que l’élection de Donald Trump nous apprend de la communication
Dans le domaine de la communication, les États-Unis ont toujours montré la voie et ce qui se passe en Europe quelques mois plus tard n’est souvent que la réplique d’un mouvement déjà bien amorcé outre-atlantique. Après l’immense surprise, on peut même dire le séisme, qu’a provoqués l’élection de Donald Trump, il est plus qu’intéressant de se demander ce qu’elle signifie en terme de communication.
Encore faut-il se souvenir, au moment d’expliquer comment sa communication a permis à Donald Trump de battre Hillary Clinton, que celle-ci a obtenu au niveau du pays plus de deux millions de voix de plus que son rival. Sa défaite est donc toute relative et est le fait plus du système électoral des grands électeurs par État que de sa communication. Néanmoins, Hillary Clinton n’a pas réussi à mobiliser suffisamment d’électeurs en dehors de la côte ouest et d’une partie de la côte est, notamment dans les « swing states », contrairement à ce qu’avait fait en 2008 et 2012 Barack Obama. Et cet échec est largement dû à l’efficacité de la communication de son adversaire, tant dans sa forme que sur le fond.
Donald Trump a dépensé moitié moins que sa rivale, ce qui veut dire qu’il a beaucoup moins diffusé de spots publicitaires. Il s’est en revanche massivement appuyé sur les réseaux sociaux au service de ce qu’il est convenu d’appeler la « post-vérité ». La mécanique de communication est simple: un tweet provocateur, outrancier, voire mensonger, qui déclenche une intense activité sur les réseaux sociaux, est repris en boucle sur les chaînes d’information, puis entraîne des réactions des adversaires et des commentaires souvent outrés des journalistes professionnels. Ce qui permet à Donald Trump de saturer les médias et donner le tempo du débat public, qui s’organise autour de lui et de ses outrances, tout en se présentant, face aux réactions indignées des bien-pensant, comme l’adversaire du système censé unir les bénéficiaires de la mondialisation et les élites mediatico-intellectuelles.
Un système de communication parfaitement adapté de surcroît au message qu’il entendait développer. En bon spécialiste du marketing, Donald Trump a mieux qu’Hillary Clinton saisi le malaise d’une partie de la population, les « rednecks », ces blancs, déclassés du fait de la disparition des emplois industriels traditionnels et réactionnaires, au sens de désireux de revenir au bon vieux temps de l’Amérique des années cinquante, qui les respectait et leur réservait la place qu’ils estiment mériter. Le responsable ? Le « système »: l’alliance du microcosme de Washington et des tenants de la mondialisation. Donc plus le système critique le candidat républicain, plus son soutien populaire grandit et s’enracine. Il n’est pas certain que ses futurs électeurs aient cru aux plus abrasives de ses promesses. Mais peu importe. Seules comptaient les réactions du système et l’image de trublion hors du jeu qu’elles conféraient par ricochet au candidat.
Un candidat dont la promesse, quel que soit le contenu erratique de ses propositions, s’exprimait en une formule simple, « je suis avec vous ». Là où le pur produit du système qu’est Hillary Clinton, entourée de vedettes du show business comme de son ancien président de mari, et forte de l’appui de l’essentiel de l’establishment politique et économique disait aux citoyens « j’ai besoin de votre soutien », Donald Trump leur affirmait qu’il était à leur côté et allait les protéger.
Telle est sans doute la clé de son succès et il sera passionnant de voir dans les mois et les quatre années à venir quelle stratégie de communication il mettra en oeuvre pour atterrir dans le dur monde de la réalité. Il ne sera pas moins intéressant de voir si et dans quelle mesure les candidats à la présidentielle française s’inspireront de la stratégie qui vient de porter Donald Trump à la présidence de la première puissance mondiale.