
Le féminisme dans la publicité : entre progressisme et opportunisme
Femmes filiformes, jambes écartées et dans des positions plus que suggestives : la dernière campagne d’affichage de la maison Yves Saint Laurent a fait mouche. Après plus d’une cinquantaine de plaintes déposées sur le site de l’ARPP (l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité), une intervention de la ministre des Droits des femmes, jugeant les publicités « humiliantes et incitant à l’anorexie », celles-ci ont été retirées sans aucun commentaire de la marque de luxe. L’image de la femme-objet ne passe plus, et gare aux marques qui tenteraient de nous imposer une vision rétrograde de la femme.
Depuis quelques années, de nombreuses marques ont choisi de s’engager en faveur des femmes. Prenons la marque Dove, pionnière dans le domaine, qui dès 2004 est devenue la marque ambassadrice des femmes plurielles à travers ses publicités. Militantes, audacieuses, opportunistes, les publicités féministes véhiculent souvent une image positive des entreprises qui les portent, souvent encensées par les médias et les associations.
Ces campagnes qui brisent stéréotypes et clichés sur le statut des femmes contribuent au-delà de faire simplement sourire à faire changer les mentalités. Oui, les femmes peuvent être poilues, maigres ou rondes, drôles, audacieuses, sportives. Oui, elles peuvent également occuper des postes de haute responsabilité.
Après Dove, de nombreuses marques ont suivi le mouvement et tiennent des discours engagés sur les conditions de la femme (Always et sa fameuse campagne #Likeagirl, H&M et sa campagne « She’s a Lady », Décathlon et son slogan « Tout le monde a le droit de jouer », Dior et sa campagne printemps-été 2017 qui révèle les femmes dans leur pluralité, etc.). Aujourd’hui, le « female empowerment » a le vent en poupe. En effet le bénéfice d’image pour les marques se transforme souvent in fine en bénéfice commercial. Nul doute que si le sexisme fait de moins en moins recette, le féminisme lui fait de plus en plus vendre, encourageant ainsi les marques à investir sans tabou ce territoire.
Mais certains de ces discours, qui se veulent plus que jamais progressistes, sonnent décidément faux.
Et rien de tel que la journée internationale des droits des femmes pour nous le rappeler. En effet, nombreuses sont les marques qui, sous couvert de cette journée, ont fait preuve d’un opportunisme marketing douteux en jouant la carte du féminisme. La marque de sous-vêtements Etam a profité du 8 mars pour lancer de grandes opérations de promotion : une culotte offerte pour l’achat d’un soutien-gorge. C-discount a cru bon d’offrir 19% de réduction aux femmes dans tous ses magasins « parce que les femmes gagnent en moyenne 19% de moins que les hommes ». Ailleurs, des marques ont fait des promotions sur du linge de maison ou bien des produits de beauté.
Derrière ce féminisme ouvertement affiché des marques se cachent souvent de simples coups marketing ou pire un sexisme dissimulé. Alors faut-il pour autant condamner toute démarche féministe dans la publicité sous couvert de risque d’instrumentalisation ? Pas nécessairement. Mais il appartient à notre profession, sous le contrôle de l’ARPP, de veiller au respect de l’image des femmes et de leur dignité.