
HSBC / Swissleaks : vers une nouvelle crise de confiance bancaire

L’affaire SwissLeaks a révélé les pratiques d’évasion fiscale organisée par HSBC depuis 2008. Mais au-delà de la banque elle-même, et plus exactement de sa filiale suisse, ce scandale éclabousse à nouveau dans l’opinion publique un secteur qui n’en avait pas besoin…
Dernier « leaks » en date dans la série des leaks, le « SwissLeaks », révélé en France par Le Monde, le 8 février dernier. Que dire de la communication de son acteur central, HSBC ? Principalement que la banque a bien appliqué les règles de la communication de crise.
Tout d’abord, elle a commencé par s’excuser, dans la presse auprès de ses clients. Cet acte de contrition, « à la japonaise », a prouvé son efficacité : une faute avouée est à demi-pardonnée. Mais il permet aussi et surtout de rester audible et de pouvoir s’expliquer. Sur ce point, HSBC n’a pas manqué de rappeler que le système de fraude fiscale était de l’histoire ancienne, en rupture avec les bonnes pratiques bancaires actuelles de l’établissement, qui a opéré une « transformation radicale » depuis 2008. A l’appui : le détail de mesures prises au cours des dernières années pour mettre fin à « un ancien modèle d’affaires de la banque privée suisse, [qui] n’est plus acceptable ».
Autre règle de la communication de crise parfaitement suivie par HSBC : éviter la cacophonie et le risque d’incohérences dans les propos tenus en multipliant les prises de parole. A ce titre – et certainement à la grande frustration des journalistes, HSBC s’en est tenu à un unique communiqué, très complet (4 pages !), avec détails et citations à l’appui. Communiqué émanant de la filiale suisse d’HSBC concernée par le scandale, et non du groupe, afin de cantonner l’affaire à cette seule entité.
HSBC a donc bien maîtrisé l’incendie et limité les dégâts autant que faire se peut pour ce qui la concerne. Mais la crise, avec ses innombrables rebondissements judiciaires, n’a pas fini d’éclabousser de tâches indélébiles le secteur dans son ensemble. Car elle dépasse largement le cas d’HSBC : la diffusion d’une liste de personnalités impliquées a bien sûr mobilisé l’attention sur ces fraudeurs. Mais les dégâts collatéraux seront bien plus larges pour l’ensemble du monde bancaire. Dans quelques mois, le public (si ce n’est les juges) aura sans doute oublié la « faute » de Gad Elmaleh – surtout moqué pour son rôle dans les pub de LCL – et plus sûrement celles des hommes d’affaires mentionnés. En revanche, ce nouvel élément vient épaissir encore le dossier à l’encontre des banques et la propension de l’opinion publique à les soupçonner de toutes les dérives.
La chasse aux sorcières des fraudeurs, et la poursuite des banques incriminées, se doublent ainsi d’un enjeu plus large : celui de la dégradation de l’image du système bancaire. Car bien qu’HSBC ait fait la Une des journaux, le scandale ne s’est pas propagé sous le nom d’ « HSBCLeaks » mais sous l’appellation « SwissLeaks ». La dénomination n’est pas anodine : elle désigne un pays et son système et à cette occasion ont été citées des filiales suisses de banques françaises qui proposaient aussi des montages de même nature. De quoi faire renaitre la méfiance de l’opinion et des législateurs nationaux envers les banques, jamais vraiment endormie depuis 2008.
Fin 2014, le Luxembourg avait défrayé la chronique avec son « LuxLeaks », qui a divulgué des accords fiscaux avantageux accordés à certaines multinationales. Ce qui avait conduit Jean-Claude Junker, ancien Premier Ministre du Luxembourg et nouveau Président de la Commission européenne, à reconnaître publiquement sa « responsabilité politique » dans l’usage à grande échelle des rulings, ces accords fiscaux secrets passés entre le Luxembourg et les grands groupes. Puis à s’engager à lutter contre ces pratiques via une directive sur l’échange automatique et obligatoire des accords de « ruling » et l’harmonisation des assiettes fiscales des entreprises.
On peut à juste titre s’attendre à ce que le SwissLeaks aboutisse à renforcer la coopération entre Etats pour lutter contre la fraude fiscale. Mais pas nécessairement à ce que les banques redeviennent les entreprises préférées des français… Avec 64% d’avis favorables (1) l’image des banques s’était redressée en 2014, mais restait encore loin de ses plus hauts niveaux (74% d’opinions positives en 2000). Il y a fort à parier que les Swissleaks vont remettre en cause cette amélioration.
- sondage de l’institut BVA pour la Fédération bancaire française (FBF) paru en juillet 2014