La communication des politiques face aux crises personnelles : pourquoi se défendent-ils aussi mal quand ils sont pris à parti par les médias ?
Omniprésents, informés de tout dans un monde où plus rien ne peut rester longtemps secret, volontiers moralisateurs et immédiats, les médias d’aujourd’hui sont impitoyables envers les fautes supposées des personnalités politiques. Positionnées en ligne de mire, celles-ci sont surveillées en permanence, et les scandales médiatiques s’enchainent à rythme de plus en plus rapide. L’opinion publique, véritable « reine du monde » selon Jacques Julliard, est désormais très sensible aux moindres propos et actes déplacés ou même simplement inadéquats. Et le gouvernement comme les partis politiques peuvent difficilement se permettre d’ignorer cette dernière, quand un des leurs se trouve pris dans la tourmente . Pourtant, alors que les crises se multiplient et qu’ils pourraient en tirer les leçons, les intéressés répètent encore et encore les mêmes erreurs de communication. Et cela bien que celle-ci soit au cœur la vie politique et donc de leurs savoir-faire essentiels.
Comment expliquer ce paradoxe ?
La controverse dont a été l’objet Michèle Alliot-Marie depuis les révélations sur ses vacances en Tunisie est à ce titre un cas d’école. Comme l’est la manière dont a réagi un conseiller à la Présidence de la République, par ailleurs élu local, accusé d’avoir commis un excès de vitesse en se rendant au Conseil Général de l’Eure dans une voiture de la Présidence.
Tous deux ont, après beaucoup d’autres de tout bord politique, illustré tant l’incapacité des responsables à comprendre et adopter certains des codes du nouvel environnement médiatique, que leur manque de préparation et de connaissance des réactions appropriées dans les cas d’attaques personnelles.
Le nouvel environnement médiatique a fait disparaître le « off ». Les hommes politiques peuvent être piégés à tout moment par les journalistes, qui laissent leurs micros allumés en permanence, ou plus largement par n’importe quel citoyen en possession d’une caméra ou même d’un simple téléphone portable. Encore faut-il savoir comment se défendre.
En fait, face à une crise médiatique qui démarre, les règles à suivre sont simples: il faut tout dire en une seule fois, de préférence à travers un seul média !
Surtout pas de demi-explication ou de vérité partielle. S’en contenter c’est prendre le risque de plus en plus souvent avéré de s’enferrer dans un cycle infernal d’affirmations suivies de nouvelles révélations qui conduisent à des déclarations complémentaires lesquelles entretiennent la polémique et donc la couverture voire la surenchère médiatiques.
Ainsi, les leçons que l’on peut tirer des difficultés de Michelle Alliot-Marie, comme avant elle d’Éric Woerth, sont simples.
D’une part, il ne faut jamais rien dire qui puisse être contredit par la suite. Aussi tenté soit-on de chercher à minimiser la difficulté rencontrée, la vérité rend mieux service. La transparence permet en effet d’anticiper les critiques et de désamorcer l’envolée médiatique. A l’inverse, les vérités
successives tuent la crédibilité et rendent inaudible. La manière dont François Fillon a désamorcé les révélations du Canard Enchainé sur son voyage en Egypte est de ce point de vue exemplaire.
D’autre part, s’il est indispensable de tout dire, il faut éviter la tentation du trop parler. Multiplier les prises de parole est une erreur qui aggrave la crise médiatique au lieu de l’éteindre. Mis en cause, le responsable politique, qui avait parfois jusqu’alors tant de mal à y avoir accès, est brusquement invité à s’exprimer sur tous les médias puis à répliquer à toute nouvelle information ou à tout fait supplémentaire. Enchainant les plateaux TV et radio, répondant à de multiples interviews de la presse écrite, dans des conditions psychologiques très difficiles, avec un degré de pression et souvent de précipitation extrêmes, les intéressés sont condamnés à varier dans leurs explications. Les journalistes, dont c’est le métier, sont habiles à leur poser les mêmes questions différemment et à obtenir des réponses différentes ou des détails supplémentaires, qui entretiennent et nourrissent la controverse médiatique. La cohérence est en effet en communication un élément essentiel. De manière générale, Il faut définir un discours et s’y tenir durablement pour être entendu, compris et convaincant. A fortiori en période de crise. Michèle Alliot-Marie, comme beaucoup d’autres avant elle, en délivrant de multiples messages différents selon les moments et les médias, ne pouvait que rendre plus confuses et d’autant moins crédibles ses explications.
Alors que les règles du jeu médiatique ont changé, les responsables politiques semblent avoir encore des difficultés à s’adapter. Une meilleure compréhension et pratique des règles d’or de la communication de crise sont pourtant nécessaires pour éviter cette incessante décrédibilisation de l’action politique et la fatale interrogation « Qui sera le prochain ? »