
La passion football
Le ballon rond ne finit pas de faire parler de lui. Après l’affaire Blatter qui a éclaboussé le football mondial, c’est à l’échelle nationale que la polémique a enfle désormais depuis la révélation dimanche du déplacement de Manuel Valls à Berlin, où il a assisté à Juventus-Barcelone.
Sur le fond, la question des déplacements des hommes d’état, à droite comme à gauche, ne cessera probablement jamais de diviser. On se souvient des voyages de François Mitterrand, des Chirac, ou bien entendu la célèbre escapade post-élection de Nicolas Sarkozy. Mais il s’agit moins ici de juger du bien-fondé de tels déplacements que d’analyser la communication des intéressés. Il faut dire que les explications avancées le Premier Ministre laissent dubitatif et que les détails subtilement révélés tout au long de la semaine sur du déplacement ne semblent pas jouer en la faveur du fervent supporter.
Pourtant communicant hors-pair, Manuel Valls a semblé déstabilisé par le battage, dont il n’a pas probablement pas mesuré l’intensité. Retour sur une polémique en trois actes, ou en trois erreurs de communication :
Règles
Acte I – Le refus de la crise… en pleine crise
Lorsque le déplacement de Manuel Valls a été annoncé dans la presse, ce dernier a répété tout le week-end un argument : il avait rendez-vous avec Michel Platini, le président de l’UEFA et potentiel futur président de la FIFA. A Berlin, Manuel Valls a donc joint l’utile à l’agréable. Problème : cette réunion stratégique sur l’Euro 2016 n’apparaît pas dans l’agenda officiel du Premier ministre et intervient en plein congrès du PS qui se tenait à Poitiers. A-t-elle été improvisée ? Matignon confirme qu’elle a bien eu lieu.
Ainsi, et alors qu’il a été le premier à fustiger les déplacements du Président Sarkozy, Manuel Valls manque l’occasion d’être le premier préciser les détails de l’histoire. Les médias et l’opposition ne manqueront pas de remarquer le moyen de transport du Premier ministre, pris les pieds dans le tapis de l’éthiquement et socialement correct.
Acte II – Le moment de détente d’un homme passionné qui travaille beaucoup
En cas de situation sensible, le lieu d’où l’on communique est symboliquement chargé de sens. Alors que l’interprétation médiatique du déplacement s’est désormais figée sur une « escapade footballistique aux frais de l’Etat », Manuel Valls surprend en justifiant ce voyage par la passion qui l’anime pour le football. Alors que la polémique ne désenfle pas, que l’opposition parle d’indécence et de mélange des genres, il décide de s’exprimer depuis les allées ensoleillées de Rolland Garros : « ll y a toujours des grincheux. Je travaille beaucoup, je m’engage beaucoup. Et puis de temps en temps, il y a aussi un moment de détente, même s’il y a de la tension et de la passion dans le sport». C’est un peu court jeune homme !
Acte III – Débord Le président de la République contraint de voler au secours de son Premier Ministre
Ses contempteurs le martèlent : le Premier ministre ne voie pas bien le problème et bricole des pseudo-arguments diplomatiques a posteriori. Le Premier ministre trouve alors un supporter de choix en la personne du président de la République. Preuve de l’absence de réelle stratégie réactive de communication, l’axe choisi lors de l’acte 2 est balayé par le président, qui assure depuis le G7 en Allemagne que cela n’a rien à voir avec son amour du Barça. Le déplacement de Manuel Valls était purement professionnel et justifié par les problèmes rencontrés actuellement par la Fifa et par l’organisation de l’Euro-2016 en France. Le président a bien compris que son premier Ministre avait – en refusant d’admettre son erreur et surtout d’en minimiser l’importance – tout simplement tendu le bâton pour se faire battre.
SE CONTREDIRE, DONNER DES VERSIONS DIFFÉRENTES, OU N’AVOUER LA VÉRITÉ QUE PAR DES DÉCLARATIONS SUCCESSIVES INCOMPLÈTES, SOUS LA CONTRAINTE.