
La pétition trouve une seconde vie… en ligne.
La pétition du 21ème siècle sera numérique ou ne sera pas. Le site change.org qui vient de fêter ses deux ans d’existence en France a déjà accueilli 3 millions de signataires depuis 2012 et 22.000 pétitions y ont été lancées. Deux ans qui ont suffi à remettre au goût du jour une méthode de contestation dont la portée était jusqu’ici bien souvent symbolique et l’audience généralement confidentielle.
Change.org, qui existe aux Etats-Unis depuis 2007, a vu sa notoriété exploser en 2012 lorsque la plate-forme a recueilli 2,5 millions de signatures réclamant que justice soit faite dans l’affaire Trayvon Martin, un jeune Noir tué par un vigile en Floride. Depuis, le site, qui recueille les doléances et revendications de tout acabit – du consommateur au lanceur d’alerte, en passant par l’activiste écologiste – est devenu une arme de contestation massive. Il est le terreau de mobilisations locales, nationales, et même internationales. La pétition « #bringbackourgirls » avait ainsi, en mai, recueilli plus d’un million de signatures pour exiger la libération des 200 jeunes filles enlevées au Nigeria.
Ce qui fait la force de cet outil et nourrit les craintes des dirigeants, c’est la diffusion à grande échelle et en un temps record, des messages de contestation. Largement relayée sur les réseaux sociaux, où l’on peut partager instantanément la cause à défendre et inviter à la soutenir, la pétition en ligne a un écho médiatique puissant. L’utilisation est par ailleurs particulièrement aisée : cliquez, c’est signé.
Face au risque de voir des opinions négatives se répandre comme une traînée de poudre sur la toile, nombreuses sont les marques qui ont déjà plié devant les réclamations des pétitionnaires. Ceux-ci ont ainsi obtenu le retrait de la ligne de bijoux “style esclave” de Mango et les excuses du groupe. Eram s’est de son côté engagée à ne plus utiliser de cuir issu d’élevages liés à la déforestation de la forêt amazonienne.
Les consommateurs ne sont pas les seuls à utilise cette arme puissance. Les citoyens y ont aussi trouvé une caisse de résonnance pour s’adresser directement à la classe politique afin de défendre des droits ou contester une décision. Ainsi, la pétition lancée par le mouvement des « Poussins » en avril 2013 a largement contribué à faire reculer le gouvernement sur sa tentative de réforme du statut des auto-entrepreneurs. Autre exemple, le 26 mai dernier, l’Express adressait une pétition à François Hollande pour demander l’asile politique et le statut de réfugié pour Edward Snowden. Parmi les signataires, pléthore de noms illustres : Michel Rocard, Luc Ferry, Edgar Morin, parmi 138.000 français. La pétition lancée fin mai en faveur d’une loi sur le suicide assisté en 2014, a elle déjà aligné plus de 58 000 signatures.
Même si l’inflation des pétitions – 500 nouvelles actions toutes les 24 heures dans le monde et 2 millions de membres supplémentaires par mois – risque d’amoindrir la force de frappe de chacune d’entre elles, les dirigeants doivent apprendre à composer avec ce nouvel outil numérique.
C’est d’ailleurs ce qu’a déjà anticipé le site qui a lancé une nouvelle fonctionnalité baptisée «Decision Makers ». Ce nouvel outil permet aux entreprises, institutions et partis politiques, régulièrement interpelés sur la plate-forme, d’être immédiatement avertis lorsqu’une pétition les concerne. Le « décideur » peut alors répondre aux signataires et leur soumettre des informations sur l’objet de la mobilisation. Le créateur de la pétition peut à son tour commenter ces réactions, et entamer un dialogue entre l’entreprise/l’élu et le consommateur/citoyens.
Ce qui offre donc une formidable opportunité de construire une relation intelligente et constructive avec l’ensemble des parties prenantes.
Le phénomène de la pétition en ligne a aussi inspiré les autorités politiques. Aux Etats-Unis, la Maison Blanche a instauré en septembre 2011 un service baptisé « We the People » sur son site internet. Toute pétition réunissant au minimum 100 000 signatures est examinée par l’exécutif. A Bruxelles, en 2013, est né le système d’Initiatives Citoyennes Européennes (ICE) qui permet d’interpeller la Commission Européenne sur un sujet à condition de réunir un million de signatures en un an. La pétition en ligne devient ainsi un réel moyen de pression politique à disposition de l’opinion publique.
Alors que les urnes attirent de moins en moins, l’activisme numérique offre la possibilité d’un renouveau démocratique.