
La SNCF vous prie de l’excuser….
La SNCF a diffusé mercredi à la mi-temps du match Equateur-France un spot TV de 30 secondes pour « s’excuser de la gêne occasionnée » par les mouvements de grève qui ont duré une dizaine de jours en juin. « Y’en a marre ! Ces mots, ce sont les vôtres. Ces derniers jours ont été compliqués pour vous, nous le savons », pouvait lire le spectateur dans un texte déroulant avec, en arrière-plan, des agents habillés de « gilets rouge » en action, informant et soutenant les usagers.
En s’adressant aux 14 millions de téléspectateurs impatients de voir le match, la société de transport souhaitait ainsi, en toute transparence, assurer au plus grand nombre que la direction avait bien « tout mis en œuvre » pour aider les usagers.
Force est de constater que cette initiative n’a pas eu les effets escomptés, soulevant une déferlante de moqueries sur Twitter : environ 300 à 400 tweets les 26 et 17 juin – décomptés avec notre outil de veille « Mention » – dont 80% à tonalité négative, selon nos estimations. Il a surtout déclenché l’ire des syndicats et des partis de gauche. Dans un communiqué, le PCF dénonce un spot outrancier qui met en scène des voyageurs « quasi-martyrs, à qui l’on distribue des bouteilles d’eau, dans une mise en scène digne d’une opération de secours humanitaire ». Le syndicat SUD-Rail y voit de son côté une «propagande SNCF».
Certes ce spot était sans doute maladroit après un bras de fer trop récent entre syndicats et direction et son ton était teinté d’une compassion empruntée, comme l’ont jugé certains internautes.
Mais au-delà des questions de fond, d’un point de vue de communication, une société doit-elle s’excuser de cette façon ?
Sans doute. D’abord, car présenter des excuses lorsqu’on a causé un désagrément reste une politesse élémentaire. Et la communication moderne doit être citoyenne.
Par contre il y a quelques règles à respecter. Le spot de la SNCF soulève un malaise : l’entreprise semble se mettre à distance de la crise et se pose elle-même en victime de l’incident. Au risque d’oublier ses responsabilités et d’exaspérer encore davantage les populations touchées, elle semble se cacher derrière des excuses pour se sortir d’une situation embarrassante, au lieu de montrer qu’elle est mobilisée.
Le choix de la diffusion massive sur une chaîne à une heure de grande écoute pose également question, surtout dans le cas de la SNCF, qui semble ainsi prendre à témoin l’ensemble de la population française contre une minorité de grévistes, pointant du doigt (à grand frais) des individus perturbant le bon fonctionnement de la société.
Peut-être aurait-il mieux fallu s’en tenir à un message d’excuses sobre, sur un ton neutre, ciblant spécifiquement les usagers sur le site web de la société ou les réseaux sociaux, comme l’a d’ailleurs fait par la suite la SNCF en postant le fameux spot sur son compte Youtube. Restreindre sa communication aux seuls clients victimes d’une défaillance limite la portée d’une caisse de résonnance négative. C’est ce qu’a bien compris le PDG de Blackberry Mike Lazaridis, en postant une vidéo sur Youtube, dans laquelle il fait part de ses excuses pour la gêne occasionnée par les perturbations massives qui ont affecté les utilisateurs de téléphones en 2011.
De même, une lettre ouverte dans les media ou un courrier d’excuse adressés aux abonnés ou clients – le choix du PDG d’Apple Tim Cook pour s’excuser du dysfonctionnement de l’application Plans - , ont à la fois la vertu de personnaliser le discours et donc de le rendre plus efficace, et, par son caractère plus confidentiel, de donner moins d’audience aux opposants.
On peut enfin passer par le biais des médias pour monter sa transparence. C’est ainsi que Toyota, confronté en 2010 à d’importantes défaillances techniques à l’origine de plus de 8 millions de rappels d’automobile, a sobrement formulé des excuses publiques lors d’une conférence de presse relayé dès lors, avec leurs mots et leurs angles par les médias.
En cas de crise, le message d’excuse peut-être une bonne idée. Encore faut-il qu’il soit judicieusement réalisé.