
l’art de faire dire du bien de soi par les autres
Dans un monde où prédomine la défiance à l’égard de tous ceux qui sont investis d’une autorité ou d’une responsabilité, et de manière plus générale à l’égard des sachants, où le commentaire personnel remplace régulièrement le récit des faits, où la rumeur tient trop souvent lieu de preuve, où certains utilisent la puissance, l’instantanéité et l’universalité des nouveaux médias pour diffuser à profusion des infox, la communication ne peut plus être seulement verticale. Pour se faire entendre, les entreprises et les institutions ne doivent plus se contenter de prendre la parole, elles doivent chercher à faire dire par d’autres ce qu’elles auraient autrefois affirmé elles-mêmes avec la certitude de convaincre. Et pour cela, il leur faut susciter et encourager l’engagement de leurs parties prenantes à leur côté. Que ce soit pour renforcer leur image et créer ainsi la préférence ou pour les aider face à une situation sensible et défendre de la sorte leur réputation. Ce que nous avons appelé, chez CLAI, la Corporate Advocacy®.
C’est cette évolution majeure de la communication corporate et institutionnelle que nous avons voulu décrire et analyser dans un livre qui vient de paraître aux Éditions François Bourin, « De l’art de faire dire du bien de soi par les autres« . Elle est le fruit de transformations sociologiques et sociétales autant que technologiques.
Les citoyens veulent aujourd’hui être des acteurs à part entière du monde dans lequel ils vivent et se mettre en valeur, exprimer leur raison d’être. Et dans le même temps, la révolution Internet et surtout le développement des réseaux sociaux leur ont donné les moyens de le faire, urbi et orbi, à l’échelle du monde ! Ils ont permis de former des communautés, de tisser des liens entre des personnes qui ne se connaissent pas. Désormais, l’avis de ses pairs, réunis dans une même communauté, va plus compter pour chacun que celui du dépositaire de l’autorité ou du savoir. La relation horizontale se substitue à la communication verticale.
Parallèlement, le citoyen, le consommateur attend de plus en plus des institutions et des entreprises. Leur niveau d’exigence ne cesse de croître. Aujourd’hui, l’entreprise se doit d’incarner les valeurs auxquelles la société attache le plus de prix. Elle doit affirmer sa raison d’être et se donner une mission, en mobilisant autour de celles-ci ses parties prenantes, les plus naturelles, clients, actionnaires, salariés mais aussi ses fournisseurs, les pouvoirs publics, les élus, les associations de consommateurs et ONG, et plus généralement, les citoyens concernés par son activité.
C’est désormais l’ensemble de ces parties prenantes que la communication corporate et institutionnelle se doit donc de mobiliser. Nous avons distingué quatre moyens de créer un tel engagement :
- exprimer des points de vue forts sur l’évolution de son métier, ou plus globalement de son rôle dans la société, de sa mission, pour créer un attachement et un soutien qui résistent à toutes les épreuves, Apple étant l’exemple le plus abouti d’une telle adhésion devenue pratiquement inconditionnelle ;
- susciter l’implication et l’association de ses publics, les faire participer : la défense de Nutella en 2015 par des ONG environnementales face aux attaques de la ministre française de l’Ecologie est devenue un exemple de ce qu’il faut faire, enseigné dans toutes les bonnes écoles de communication ;
- donner à ses parties prenantes l’occasion de co-construire, pour inventer de nouveaux produits et services comme en témoignent les plates-formes collaboratives de Lego, BMW ou Decathlon, mais aussi pour définir avec les intéressés des solutions à des sujets collectifs, comme la réduction de l’empreinte écologique de telle ou telle entreprise, l’aménagement d’une ville ou d’un quartier ou la réforme d’une législation. L’intérêt suscité par le Grand Débat National lancé par le Président Macron n’est-il pas une preuve de la force de ce besoin de co-construction ?
- libérer la parole de ses parties prenantes sans chercher à la maîtriser, en la nourrissant, et non en la contrôlant, pour qu’elles communiquent de pair à pair et entretiennent ainsi la Corporate Advocacy®. C’est ce qu’ont fait de manière très différente Sephora avec sa plate-forme Beauty Insider et Apple avec son concours photo « shot on iPhone6 ». C’est aussi le ressort de l’employee advocacy à condition que les salariés puissent prendre la parole à leur propre initiative et librement, en sachant que le plus souvent, ils deviendront des ambassadeurs de l’entreprise ou de l’institution mais en acceptant par avance que ce ne soit pas toujours le cas.
Ces différents moyens ne sont pas alternatifs mais très largement complémentaires. Comme nous l’expliquons dans notre livre, l’art de faire dire du bien de soi est en fait celui de les utiliser à bon escient.
Un livre à lire sans modération et sans hésiter à en dire du bien !
Elisabeth Coutureau et Eric Giuily