
Le « shadow comex » d’AccorHotels : simple coup de communication ou réel apport dans la stratégie du groupe ?
Sébastien Bazin, président directeur général d’AccorHotels, a récemment annoncé la mise en place d’un « shadow comex » dédié à la génération Y.
Plus précisément, il s’agit d’un comité exécutif fantôme – comme il existe un shadow cabinet en Angleterre, sorte de gouvernement parallèle de l’opposition – composé de douze salariés du groupe dont l’âge ne dépasse pas trente-cinq ans. Choisis par les membres du comité exécutif, ces sept femmes et six hommes – versus deux femmes et onze hommes de plus de quarante-cinq ans au sein du comex – auront accès aux mêmes informations pour conseiller celui-ci dans ses prises de décision. « Tout ce que nous déciderons leur sera soumis » a indiqué Sébastien Bazin, qui a présenté cette mesure lors de différentes prises de parole pendant des événements adéquats tels que le Women’s Forum ou encore 01Business Forum.
La raison de créer ce « shadow comex » composé de jeunes du groupe ? « Embrasser la révolution numérique » dans un contexte où « 80% des entreprises sont créées par des moins de 35 ans », répond le président directeur général d’AccorHotels. Et d’ajouter, «or chez nous, plus de 90% des décisions sont prises par des plus de 50 ans ». On peut difficilement être plus clair.
Avec son style direct et une vision stratégique résolument tournée vers le numérique et les nouveaux usages, Sébastien Bazin souhaite avant tout qu’AccorHotels reste compétitif et innovant sur un marché de plus en plus accaparé par les gestionnaires d’application de réservation d’hébergements en ligne et entre particuliers.
Cette initiative, inédite en Europe, a surpris les leaders d’opinion médias et affaires, qui la salue. Par exemple, dans Challenges, « Comment Sébastien Bazin donne un coup de jeunes à Accor » ou Les Echos, « AccorHotels veut impliquer les jeunes générations ». Mais également sur Twitter via les comptes des acteurs de l’économie numérique à l’instar de Gilles Babinet, « digital champion » auprès de la Commission Européenne, qui qualifie l’idée de « très smart ».
En lançant ce « shadow comex », Sébastien Bazin se pose en pionnier et réussit donc une belle opération de communication. Mais pas seulement. Au-delà de l’effet communication, l’idée étonne car elle touche la prise de décision au niveau le plus élevé. Même certains « porte-parole » des entrepreneurs de cette fameuse génération Y se laissent surprendre.
Et pour cause, « le shadow comex » bouleverse les codes établis des entreprises aux hiérarchies pyramidales, qui, bousculés par le numérique et les réseaux sociaux, s’interrogent de plus en plus sur une nouvelle organisation du travail.
Pour qualifier cette décision, autant d’adjectifs que « disruptive», « belle » et même « brillante» se mélangent sur Twitter de la part d’internautes souvent en charge du marketing, de l’innovation ou du numérique, qui souhaiteraient que ce type de décision voit le jour dans leur entreprise.
Ainsi, plusieurs internautes interpellent la direction d’Orange, elle aussi très impliquée sur les enjeux du numérique : « A quand un shadow comex chez Orange ? ».
Si l’initiative a de quoi séduire, reste la question de son utilité.
Certains se demandent pourquoi ces jeunes ne sont pas directement intégrés au sein du comité exécutif au lieu de créer et organiser cette opposition générationnelle. L’objectif affiché n’est-il pas, avant tout de lancer des débats contradictoires pour faire naître de nouvelles idées et ainsi amorcer une pédagogie nécessaire au changement culturel d’une entreprise… ?
D’autres pointent que la véritable innovation n’est pas tant une affaire d’âge que d’état d’esprit : les 25-35 ans repérés pour faire partie du comex fantôme ne seront-ils pas plus enclins à reproduire les codes de leurs aînés qu’à faire preuve de l’audace propre aux jeunes créateurs d’Airbnb et autres rebelles de la net économie ?
Peut-être cette création n’aura-t-elle aucun impact dans la prise de décision d’AccorHotels ? Attendons quelques mois pour son évaluation…
Mais, dans l’immédiat, Il ne serait pas surprenant que ce comité de l’ombre soit reproduit dans quelques groupes français et européens. Voire que le « shadow comex génération Y», devienne la norme dans la prise de décision des entreprises ?