
Le rôle de la communication dans l’échec du Président ou l’illustration de la théorie de l’engrenage
Depuis 1981, tous les candidats à l’élection présidentielle qui ont joué la carte du raisonnable et du réalisme ont perdu face à des adversaires qui faisaient « rêver » nos concitoyens : Giscard contre Mitterrand, Barre face à Chirac en 1988, Balladur opposé à Chirac et Jospin en 1995, Jospin contre Chirac et Le Pen en 2002.
On peut donc difficilement reprocher à François Hollande ses promesses électorales. En tout cas, il est vraisemblable que, s’il ne les avait pas faites, nous n’aurions pas à nous interroger aujourd’hui sur les raisons de son échec car il n’aurait pas été élu.
On peut en revanche constater qu’il n’a pas su, contrairement à F. Mitterrand en 1982-1983, gérer le retour au réel, la rupture avec ses engagements de campagne dans le domaine économique et social. Et affirmer que le constat actuel d’échec est largement le résultat de l’erreur commise, en juillet 2012, en refusant de dramatiser la situation dont il avait hérité.
Au lieu de promettre, après les élections législatives de juin, « la sueur et les larmes » qu’imposait la gravité de la crise, le nouveau Président part en vacances et déambule autour du Fort de Brégançon. Au lieu de reconnaître qu’il n’est pas arrivé à convaincre ses partenaires européens d’engager une vraie politique de relance et d’en tirer les conséquences sur la politique économique et sociale de la France, il crie victoire après un Sommet qui ne lui a rien accordé de tangible. Il met en œuvre une politique de semi-rigueur qui ne s’avoue pas, sur la base de l’idée qu’il vaut mieux augmenter un peu tous les impôts et rogner un peu sur toutes les dépenses, en attendant la croissance, plutôt que de faire les réformes de fond qui s’imposent.
La sanction ne se fait pas attendre: dès fin août, sa cote de popularité décroche, ce qui le conduit à annoncer un dimanche soir « l’inversion de la courbe du chômage pour la fin 2013 » puis à réitérer cet engagement tout au long de l’année. Plus il devient évident qu’il ne peut être tenu, plus, avec l’appui constant de son ministre du travail et de l’emploi, il insiste et fait monter les enjeux. Sa courbe de popularité s’érode de mois en mois pour atteindre un niveau jamais atteint sous la Vème République. Et lorsque l’échec devient patent, fin 2013, il improvise un nouveau pacte de responsabilité qui n’est toujours pas entré en vigueur neuf mois après et qui lui a aliéné une partie de ses derniers soutiens à gauche.
Il aura fallu attendre fin août 2014, la constitution du 2ème gouvernement de Manuel Valls, avec notamment le remplacement d’Arnaud Montebourg par Emmanuel Macron, pour qu’un cap clair et fort soit affiché.
Le problème est qu’entre-temps, le Président est devenu inaudible. Au point que, selon un sondage publié le 7 septembre, 85 % des Français souhaitent qu’il ne se représente pas en 2017. Selon un phénomène bien connu des spécialistes de la communication de crise, chaque nouvelle initiative destinée à arrêter la chute, après un très court répit, ne fait que l’aggraver.
Que faire alors ?
Maintenant qu’une ligne cohérente et assumée est définie, laisser au Premier ministre la responsabilité de mettre en oeuvre les réformes de structure qu’elle implique. Prendre du recul. Renouer avec la stratégie de rareté théorisée et mise en oeuvre par Jacques Pilhan pour François Mitterrand entre 1984 et 1988. Avec l’Ukraine, le Moyen-Orient et l’Afrique Centrale notamment, François Hollande a au demeurant suffisamment d’opportunités de (re)forger la stature présidentielle dont il a besoin pour se faire réélire, en attendant que l’action de son gouvernement porte enfin ses fruits.