
Le succès d’House of Cards et l’image des affaires publiques.
Internet s’en faisait l’écho depuis plusieurs semaines. Par viralité, bon nombre de « teasers » avaient déjà circulé sur les médias sociaux. Le 14 février, les amoureux de la série House of Cards ont eu leur cadeau de Saint-Valentin : Netflix, producteur et hébergeur de la série, mettait en ligne l’ensemble des épisodes de la saison deux. D’emblée, l’engouement a été considérable.
House of Cards met en scène Kevin Spacey dans le rôle de Franck Underwood, membre du congrès américain. Accompagné de son épouse Claire (Robin Wright), dirigeante d’une agence de relations publiques, ils forment un couple uni, où les intérêts de l’un servent volontiers ceux de l’autre. Un couple prêt à tout pour assouvir sa soif de pouvoir et d’influence.
Les raisons du succès de la série sont ambivalentes. Elles procèdent à la fois de son réalisme et, dans le même temps, du fait qu’elle valide bon nombre de fantasmes populaires au sujet de l’exercice du pouvoir.
Franck Underwood, archétype de l’homme politique moderne
Ce n’est un secret pour personne, la communication de Barack Obama est un modèle du genre. Ses écarts très contrôlés, la manière dont il cultive son côté « cool » et son usage des nouvelles technologies lui permettent d’entretenir une image de proximité bien utile pour traverser les séquences difficiles.
Dans sa mise en scène, House of Cards emprunte énormément à la communication d’Obama. Il suffit de parcourir le compte Flickr de la Maison Blanche pour s’en apercevoir.
Des réceptions officielles en tenue de soirée et avec champagne, des couples complices et travaillant l’un avec l’autre, les apparats du pouvoir, omniprésents, des réunions de travail où l’on tombe la veste. Comme Barack Obama, Franck Underwood est entouré dans l’action, et sous pression permanente. Comme tout homme politique, son ascension se fait au prix de trahisons, de conflits parfois violents et d’un regard très distancié sur les hommes et les choses. Comme bon nombre d’illustres hommes politiques américains, il peut compter sur une femme fidèle et omniprésente.
Franck Underwood est tout cela à la fois, et sait communiquer sur ce qu’il est. Franck Underwood est donc, aux yeux du téléspectateur, un congressman crédible.
Pour autant, ce souci de réalisme se heurte vite à la nécessité de romancer l’action, au risque de grossir le trait pour les besoins de la mise en scène, volontiers « hollywoodienne ».
Une image négative des affaires publiques
House of Cards donne des affaires publiques et du lobbying une image bien négative : non, tout n’est pas que pressions, négociations d’alcôves, tentatives de séduction et intimidation. En tout cas, il ne s’agit pas là des méthodes qu’emploie CLAI pour accompagner ses clients dans leurs stratégies de communication à l’égard des décideurs politiques!
Par le procédé de l’aparté, Franck Underwood interpelle directement le téléspectateur, consacrant le retour d’un procédé théâtral donnant à la série une dimension quasi-shakespearienne. Il dévoile alors en temps réel ses intentions cachées et ses vrais mobiles et montre ainsi l’envers tant attendu du décor politique…au risque de résumer l’action de l’élu et de ses conseillers à des calculs et des « coups de billard ».
Ainsi, House of Cards est à mi-chemin entre le réalisme et la fiction. Néanmoins, la série a un double mérite :
- passionner le téléspectateur sur des sujets techniques, et casser l’image d’austérité associée à la « chose publique »,
- livrer une vision sans concession bien qu’exagérée de la vie politique et des processus de décision, sans pour autant sombrer dans la caricature facile de l’antiparlementarisme.
La série contribue donc sans aucun doute, à son niveau, et malgré ses excès, à familiariser le spectateur avec la vie publique, le fonctionnement du Congrès américain et le rôle du lobbying.
Ce n’est pas là le moindre de ses mérites.