
L’émergence des influenceurs : les limites d’une nouvelle donne stratégique
L’émergence d’internet, et en particulier du web 2.0, a bousculé les médias traditionnels, a mis à mal leur monopole non seulement d’information mais aussi de contribution à la formation de l’opinion. De nouvelles sources d’information sont apparues qui ont profondément transformé les conditions d’exercice du métier de journaliste et la diffusion des nouvelles. Parallèlement les traditionnels leaders d’opinion ont été remplacés ou concurrencés par des « influenceurs », anonymes susceptibles de contribuer à la formation de l’opinion sur tel ou tel sujet. Alors que le leader d’opinion tire sa crédibilité et donc sa force de conviction de ses titres professionnels ou universitaires , de sa carrière ou de ses écrits, de son appartenance à telle ou telle famille politique, spirituelle, intellectuelle ou à telle ou telle organisation, l’influenceur sur internet est avant tout un anonyme qui va construire son influence par ses prises de position sur la toile. Parti de zéro, comme tous les internautes, l’influenceur va progressivement émerger grâce à la reconnaissance de ses pairs.
Ces nouveaux influenceurs agissent sur un cercle nouveau, plus restreint et plus ciblé, sur des communautés identifiées. Une force supplémentaire leur a été attribuée : ce n’est plus une institution qui parle, mais une femme ou un homme. Le « je » de l’individu s’exprime à la place du « nous » impersonnel de l’entreprise ou de l’institution ou du « je » de l’expert parlant au nom de l’institution et s’appuyant sur le poids de celle-ci. Des anonymes populaires ont progressivement été perçus par les annonceurs, les entreprises ou les institutions comme des relais potentiels de leur discours : au début comme compléments aux outils et méthodes traditionnels puis progressivement comme élément central des stratégies.
L’influenceur s’est ainsi progressivement substitué au leader d’opinion. Effet de mode ou mutation réelle des mécaniques d’influences, le terme est aujourd’hui employé pour désigner également des acteurs dont le champ d’expression se trouve hors internet. Mais au-delà d’un remplaçant de l’expression « leaders d’opinion », il serait plutôt le reflet de l’évolution des enjeux médiatiques, de la redistribution des pouvoirs d’influence.
Aujourd’hui, l’influenceur né sur internet est cependant moins à la mode. Il n’est plus perçu comme la solution miracle à toutes les problématiques de communication. Un seul homme ne peut changer l’opinion : son territoire d’influence est restreint et les rares gourous d’internet ne touchent qu’un petit nombre. Les internautes, quant à eux, ont évolué, se sont aguerris. Ils se laissent moins facilement convaincre. Pour autant, l’usage du terme, largement adopté hors internet, est le signe que la donne a changé. Désormais, les stratégies doivent prendre en compte non seulement le pouvoir de l’individu, mais aussi la force de la communauté. Elles doivent s’appuyer sur les influenceurs, qui s’adressent à un public spécifique, sans délaisser les leaders d’opinion, qui peuvent toucher un plus grand nombre et en mêlant plus que jamais off et online.