
Les démentis élyséens…
L’une des règles de base de la communication sensible ou de crise est de ne jamais se mettre en situation d’être démenti ou pire d’avoir à se démentir soi-même. Les vérités successives se révèlent très souvent la façon la plus efficace de transformer un sujet délicat en véritable affaire, au sens médiatique du terme, comme nous l’avons montré dans le chapitre 7 d’Affaire de com’ publié chez Odile Jacob fin 2011.
Se démentir, c’est pourtant ce que vient de faire Jean-Pierre Jouyet qui, après avoir affirmé jeudi qu’il n’avait à aucun moment été question des « dossiers » de l’UMP lors de son déjeuner avec François Fillon, a reconnu dimanche dans une déclaration lue à l’AFP que celui-ci lui avait « fait part de sa grave préoccupation concernant l’affaire Bygmalion » et « avait également soulevé la question de la régularité du paiement par l’UMP des pénalités pour le dépassement des dépenses autorisées dans le cadre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ».
Et comme le titre aujourd’hui une nouvelle dépêche de l’AFP, depuis lors Jean-Pierre Jouyet se trouve pris dans la tourmente. Plus grave, un nombre croissant d’observateurs se demandent s’il pourra conserver ses fonctions à l’Élysée.
Il n’est pas certain que l’on saura un jour ce qui s’est réellement dit lors du déjeuner organisé par Maître Antoine Gosset-Grainville, ancien collaborateur de François Fillon puis de Jean-Pierre Jouyet. En revanche, on peut rétrospectivement réfléchir sur ce que l’on aurait conseillé au second de dire s’il nous avait interrogés jeudi dernier avant sa première déclaration.
Nous lui aurions suggéré un communiqué écrit purement factuel pour :
- confirmer avoir déjeuné avec l’ancien Premier ministre en précisant très exactement le lieu, l’heure, les convives….
- affirmer solennellement que ni avant ni après le dit déjeuner l’Élysée n’était intervenu auprès de la justice sur les enquêtes concernant l’UMP (ou tout autre parti politique) et que la Présidence avait l’intention de conserver cette ligne de conduite à l’avenir.
En bref, remettre les choses à leur niveau pour faire comprendre qu’il n’aura pas grand-chose à voir. Et s’en tenir inlassablement à ces affirmations qui sont difficilement contestables avec des preuves étayées, renvoyer toutes les interrogations vers ce seul communiqué de presse, ne jamais dévier de son contenu.
Une telle réaction était la seule qui aurait pu permettre d’éviter d’être pris dans l’engrenage des vérités successives, qui provoquent de nouvelles révélations, ce qu’était la une du Monde publié samedi après-midi, relancent l’intérêt de la presse et mine, étape par étape, la crédibilité de la personne mise en cause. Ce que journalistes et communicants de crise, pour une fois d’accord, appellent « feuilletonner ».
Après sa mise au point de dimanche, il ne reste plus à Jean-Pierre Jouyet qu’à se « cramponner » à la nouvelle explication fournie, en espérant que d’autres sujets viendront reléguer au second plan puis enterrer cette prétendue « affaire d’État » qui aurait pu rester une tempête dans un verre d’eau avec une meilleure stratégie de communication.
La crise médiatique est aussi violente que brève, pas plus de 72 heures en règle générale, selon tous les spécialistes. Encore faut-il ne pas l’alimenter soi-même.