
L’utilisation des nouveaux canaux de communication par les politiques
En 2016, 17 % des Français s’informaient via les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), dont 63 % des 18 – 24 ans1. Barack Obama a été le premier à tirer profit de ces nouveaux médias lors de sa campagne présidentielle de 2008 en intégrant dans ses équipes Chris Hugues, cofondateur de Facebook. Les réseaux sociaux ont permis de multiplier la visibilité du candidat et de toucher un électorat plus jeune et peu adepte des médias traditionnels.
Twitter, Facebook, YouTube mettent à la disposition des politiques les outils pour créer leurs propres contenus, packager leurs idées, valoriser leurs positions et les diffuser de manière large ou ciblée. Au-delà des temps de campagne présidentielle, la vie politique est désormais marquée par leur utilisation. Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, a fait de la vidéo Facebook « Débrief du Conseil des Ministres » un rendez-vous incontournable au même titre que la conférence de presse officielle qui a lieu quelques minutes avant à l’Elysée. Mieux, le Premier Ministre, Edouard Philippe, a inscrit à l’agenda officiel son Facebook Live pour « discuter » avec les Français, une manière de « s’adapter aux pratiques actuelles des citoyens », selon ses équipes. Opération réussie avec 130 000 internautes présents au rendez-vous.
Les réseaux sociaux semblent ainsi prendre le pas sur les canaux de communication traditionnels. Proximité réelle ou familiarité calculée, débats d’idée ou dialogue de sourds, l’utilisation des réseaux sociaux par les politiques dans leur inlassable quête de visibilité reste source de débats.
Les réseaux sociaux ont l’indéniable mérite de démocratiser l’information en la rendant accessible au plus grand nombre, et de sensibiliser les plus jeunes à l’actualité, et à la politique en particulier. L’information, ainsi désacralisée, n’est plus l’apanage des médias traditionnels – souvent payants – et n’est en outre plus reçue de manière passive. Aujourd’hui, alors que le téléspectateur regarde une émission, il est dans le même temps internaute : la pratique de ce fameux « digital multitasking », qui concerne 73% des Français2, est une aubaine pour les politiques : s’adresser au plus grand nombre, diversifier son audience, interagir en temps réel … D’une certaine manière, Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat permettent aux politiques de maîtriser leur communication et de court-circuiter l’intermédiaire traditionnel qu’est le journaliste. Vis-à-vis du citoyen, ils jouent la carte de la proximité, du dialogue et de l’authenticité.
Néanmoins, cette démarche n’est pas exempte de limites dans la mesure où c’est au politique que revient le choix du moment de l’échange, du canal de communication et des questions auxquelles répondre. De plus, de par ses likes et ses partages, l’internaute n’a qu’un accès sélectif, et donc incomplet et biaisé, à l’information sur son fil d’actualité.
Face à ces nouveaux modes d’information, la légitimité des médias et des journalistes traditionnels est questionnée. Pourtant, ils demeurent indispensables au citoyen-internaute puisque c’est à eux qu’incombe la mission de dévoiler, transmettre, analyser, mettre en perspective et relayer l’information. Et pas seulement dans le cadre du journalisme d’investigation illustré par de nombreux « gates » : Cahuzac, Fillon, Panama Papers pour n’en citer que quelques-uns …
Qu’ils le veuillent ou non, les politiques ne peuvent pas se permettre de négliger les médias traditionnels qui restent des vecteurs de notoriété et de légitimité. En décidant de répondre à trois journalistes sur TF1, à 20h un dimanche soir, Emmanuel Macron l’a implicitement reconnu, lui qui, jusqu’alors avait privilégié la mise en image de son action sur les réseaux sociaux.
Car, finalement, se limiter à Facebook, Twitter ou Snapchat, c’est refuser de s’inscrire dans l’ère du « et en même temps » : présence dans les médias traditionnels et recours aux réseaux sociaux sont désormais complémentaires et se renforcent mutuellement, dans une approche nécessairement globale de la communication, seule garante de l’efficacité.