
Le personal branding est il toujours profitable aux médias ?

La « starification » des personnalités n’est pas un phénomène nouveau mais il prend une dimension sans cesse accrue dans les médias. Il y a toujours eu, à l’instar des footballeurs voire des chefs d’entreprise, un mercato des journalistes, animateurs, chroniqueurs, ….en fonction de leur notoriété et de leur image. Mais aujourd’hui, le phénomène s’accélérant, on assiste à un véritable bouleversement: l’avènement de personnalités dont la renommée et l’image dépassent la marque média qu’elles sont censées servir et représenter.
C’est le résultat de faits convergents. Tout d’abord, l’appétit de l’opinion pour des personnalités nouvelles, fortes, différentes, dérangeantes ou attachantes. Avec son corollaire, l’accélération des cycles de vie de notoriété. Ensuite, la possibilité dont chaque individu dispose désormais de se transformer en personnalité. Ceci bien sûr, en premier lieu, grâce aux réseaux sociaux qui permettent à chacun de créer sa propre image et sa propre ligne éditoriale.
Aussi, devant sa télévision, on zappe moins les émissions que leurs animateurs. De la même manière, qu’on vote moins pour les idées d’un parti que pour une personnalité ….
Ce personal branding poussé se fait-il au détriment du contenu ? Ce personal branding se fait-il au détriment de l’émergence des marques médias ? En clair, est-ce la personnalité qui représente le média ou le média qui présente la personnalité qu’elle a su convaincre de venir la rejoindre ? De la marque média ou de la marque personne, qui est bénéficiaire ?
Quelques exemples récents interrogent sur la réponse à apporter à ces questions.
Peu importe, que le nom « Petit Journal » demeure sur Canal Plus, que la future émission du chroniqueur vedette passe sur l’antenne de TF1 ou sur sa filiale TMC, c’est Yann Barthès que les téléspectateurs et internautes suivront partout où il ira. Les médias eux-mêmes ne semblent pas s’être intéressés au contenu des prochaines émissions de Yann Barthez. TF1 l’a bien compris, et c’est pour cela que la chaîne a misé sur l’homme.
Dans un contexte très concurrentiel, les groupes de médias gèrent alors leurs vedettes comme de véritables marques. « Touche pas à mon poste », portée par son animateur star (3,69 millions d’abonnés sur Twitter) est devenue une quasi-institution dont la force dépasse la chaîne elle-même. Une force qui a un prix, 250 millions d’euros, sur lequel Vincent Bolloré a dû accepter de s’aligner pour conserver sa vedette. L’animateur est donc devenu au fil des années une marque plus forte que celle de son diffuseur ou même de son programme.
Outre France Inter, Léa Salamé incarnera également en alternance les nouvelles émissions politique et culturelle de France 2. La politique s’est usée en télévision et France 2 sait qu’elle ne créera plus jamais un rendez-vous culturel comparable à ce que fut « Apostrophe ». Donc, elle mise sur une personnalité qui séduit et est tendance , un « produit d’appel », avant même de déterminer la ligne éditoriale de la future émission.
Cette hyper personnalisation de la communication montre cependant ses limites et peut s’avérer dangereuse dans la mesure où le contenu d’une émission, et plus largement de la grille de rentrée d’une chaîne, s’apparentent parfois à des coquilles vides. La somme de quelques fortes personnalités ne suffit pas à incarner un projet d’entreprise et a fortiori à développer des stratégies gagnantes pour ces marques médias. La communication ne doit en effet jamais oublier sa vocation et son objectif qui sont de servir une stratégie. Pour cela il faut la remettre à son juste niveau. Car si tout est affaire de communication, l’efficacité de celle-ci n’est pas la seule affaire des hommes et des femmes, mais bien celle des marques entreprises ou média.