
Retour sur une e-crise ou quand H&M a filé un mauvais coton
H&M a connu l’un de ses plus mauvais débuts d’année. Le dimanche 7 janvier 2018, la blogueuse américaine Stephanie Yeboah poste sur son compte Twitter une capture d’écran du site marchand de l’enseigne. On y voit un petit garçon noir poser avec un sweat-shirt vert à capuche, avec pour inscription : « Coolest monkey in the jungle », soit en français « Le singe le plus cool de la jungle ». Une pluie de critiques va alors s’abattre sur le géant suédois l’accusant de racisme. La réaction de H&M va être tardive et lacunaire, témoignant des difficultés pour les entreprises de faire face à telle mise en cause de leur e-réputation.
Une polémique sous-estimée et mal traitée
Malgré un nombre de réactions très important sur les réseaux sociaux dès les premières heures de la polémique (un volume de requêtes concernant H&M sur Twitter en augmentation de 350% entre le 7 et le 8 janvier), la multinationale ne prend pas la mesure du séisme médiatique qu’elle traverse et reste silencieuse. Son silence lui coûte cher car dans la soirée du lundi 8 janvier, le célèbre artiste canadien The Weeknd annonce la fin de sa collaboration avec l’enseigne propulsant la crise à un nouveau niveau d’intensité sur les réseaux sociaux. Ce n’est qu’au lendemain de cette annonce que H&M réagit, dans une communication contrainte, alors que la situation est hors de contrôle.
Le mardi 9 janvier, soit plus de 2 jours après les premières critiques, H&M réagit enfin via un tweet. Il y présente ses excuses et affirme avoir retiré le produit de son offre.
Mais au-delà de la question du timing, le contenu même du message est loin d’être satisfaisant. La réaction de la marque aurait dû emprunter le registre de l’empathie et prendre un caractère fortement émotionnel, ce qui n’a pas été le cas. Il aurait été judicieux que le message publié rappelle les valeurs et les causes défendues par l’entreprise. En reconnaissant ses torts et en adoptant une posture de repentance sans pour autant s’engager sur la mise en œuvre de solution concrètes pour « réparer » et surtout pour éviter qu’une telle erreur puisse se reproduire, H&M apparaît comme la victime passive de sa propre erreur. En outre, quelques jours plus tard, un nouvel événement relance la polémique.
D’une crise numérique à des violences physiques en magasin
Le 13 janvier, soit le weekend suivant la polémique, des vidéos circulant sur le web en Afrique du Sud montrent des vendeurs H&M malmenés et des magasins saccagés, contraignant l’entreprise à fermer leurs portes. Une seconde vague médiatique relaye alors le sujet. H&M tente d’apaiser la situation en publiant un second message sur son compte Twitter informant de la fermeture des magasins concernés afin de protéger les clients et les collaborateurs.
Ce n’est que le mardi 17 janvier, soit 9 jours après le début de la polémique, et une fois que la pression médiatique est retombée (cf. graphique ci-dessous), que H&M annonce, dans un troisième message, la mise en œuvre d’un plan d’actions préventif et le recrutement d’un expert. Ce message, s’il avait été publié plus tôt, aurait-il pu désamorcer la situation avant les dérapages ? Aurait-il pu retenir l’attention des publics fortement mobilisés quelques jours auparavant ? L’initiative d’ouvrir un dialogue aurait, au moins, eu le mérite d’humaniser la marque et de créer une relation horizontale avec les parties prenantes.
Une e-réputation à reconstruire
Pour H&M, la crise est de taille car elle est, par essence, sociétale et éthique. Elle remet en cause violemment les valeurs et le positionnement de l’entreprise. En outre, c’est l’ensemble de la population mondiale qui est touchée : cette crise a généré plusieurs millions de réactions sur le seul réseau social Twitter, suscitant un débat, parfois violent, sur le caractère raciste de l’image.
La difficulté pour la marque a été d’identifier le timing et le registre sur lequel réagir, pour préserver au mieux sa réputation. Après les crises similaires de Dove et de Zara, le cas de H&M prouve que les marques ont une véritable difficulté à déterminer la stratégie de communication à adopter dans de telles situations.
Pour H&M, l’heure est maintenant à la reconstruction de son e-réputation qui nécessitera des gestes forts et… beaucoup de persévérance et de patience.
(Volumétrie twitter sur la requête « H&M »)