
Une séquence de communication hors norme du Président de la République
Apparemment, la communication hors norme du Président de la République la semaine dernière est un succès puisque, selon le dernier sondage de l’Ifop publié par le Journal du Dimanche le 22 avril, Emmanuel Macron progresse de deux points avec 44% d’opinion favorable. Un taux très supérieur à ceux dont étaient crédités ses deux prédécesseurs, un an après leur entrée en fonction. Elle n’en comporte pas moins un certain nombre de risques.
Hors norme, la séquence de communication l’a d’abord été par son intensité :
Une heure d’interview sur TF1 le jeudi 12 à 13h puis plus de deux heures et demi d’un véritable débat sur BFM TV, associée à Mediapart et RMC, le dimanche 15 dans la soirée, une intervention de trois heures devant le Parlement européen, dont deux heures de questions-réponses le mardi 18, suivie d’une convention citoyenne le soir même, auxquels il faut ajouter des échanges musclés avec différentes catégories de manifestants le lendemain dans les rues de Saint-Dié. Il n’est pas certain qu’il y ait un précédent pour un Président en exercice sous la 5ème République.
Hors norme, la séquence l’a également été par la forme :
Le choix du 13h de TF1 en semaine et surtout celui du trio BFM-Mediapart-RMC était à l’évidence « disruptif » mais, à notre sens, l’originalité venait surtout de la recherche systématique du débat, avec un Président très pugnace, répondant à tout et ne laissant passer aucune affirmation qu’il estime contraire à la réalité. Lors de la convention citoyenne, rare moment de calme et de consensus, Emmanuel Macron a incité à plusieurs reprises des contradicteurs éventuels à prendre la parole. En vain. Et il a semblé le regretter.
Hors norme, la séquence l’a enfin été en ce qu’elle a permis au Président de la République de traiter la quasi-totalité des sujets d’actualité :
De l’augmentation de la CSG pour les retraités jusqu’aux bombardements en Syrie et à son plan de réforme de la zone euro, en passant par les différents conflits en cours ou dossiers sensibles, la SNCF, les universités, le secteur sanitaire, la « ZAD » de Notre-Dame-des-Landes …
Au terme de cette séquence, et en attendant la prochaine, Emmanuel Macron peut se réjouir d’avoir atteint au moins deux résultats positifs.
D’abord, il a démontré qu’il n’était pas un Président seulement omni-communicant mais avant tout omni-compétent. Il était frappant de le voir débattre plus de deux heures trente sur BFM TV et d’avoir réponse à tout sans consulter de notes ou de fiches. Des dernières déclarations de Jean-Michel Blanquer au détail de telle ou telle mesure, il est au courant et peut répondre sans se démonter. Et il en fut de même devant le Parlement européen. Emmanuel Macron tient les manettes de l’exécutif et connaît ses dossiers, nul ne peut en douter.
En second lieu, le Président a manifesté une telle détermination, un tel engagement, que chacun aura compris que la réforme de la SNCF serait menée à son terme, quoi qu’il arrive, et que les autres « bloqueurs » en tout genre n’auraient pas plus satisfaction. Selon le sondage de l’Ifop cité ci-dessus, 78% des Français pensent que le Gouvernement ira jusqu’au bout de la réforme sans céder aux grévistes. Un gain de 4 points par rapport au précédent sondage. Et c’est évidemment essentiel car seule la conviction qu’ils ne gagneront pas ramènera les grévistes à la table de négociation.
Un vrai succès donc pour cette communication hors norme mais qui n’en comporte pas moins deux risques majeurs.
Le premier est évident : à prendre en charge avec une telle intensité la défense de la politique gouvernementale, le Président donne le sentiment que le Premier ministre et les ministres ne sont pas en mesure de le faire. Il les affaiblit mécaniquement et inexorablement de par la répétition et la force de ses prises de parole. Avec le risque d’une remontée croissante des sujets vers le sommet, d’un engorgement des dossiers et d’une pression croissante sur le Président qui peut être dangereuse à terme.
Le second risque est plus subtil mais pas moins réel, il résulte d’un paradoxe : s’il renforce sa stature personnelle, par la démonstration répétée de ses exceptionnelles qualités, Emmanuel Macron n’en réduit pas moins celle de sa fonction en acceptant de débattre sur un plan d’égalité (« je suis votre homme » et pour finir « chiche ! « ) avec des journalistes qui ne se comportent pas en interviewer mais en militant, ou dans la rue, de manière impromptue, avec des syndicalistes de Sud Rail, ce qui le conduira à reprendre l’argument des « cheminots qui ont plus de droits que les autres » alors qu’il avait lui-même reconnu le dimanche soir que « c’était une erreur que d’opposer les Français ».