Notre regard sur la campagne de Manuel Valls. La suppression du 49.3, « erreur de com » ou « faute politique »?

La déclaration de candidature de Manuel Valls le 5 décembre dernier avait surpris tant par son ton que par son contenu qui sonnaient comme un début de repentance.
Oublié le chantre de l’autorité républicaine qui avait enflammé l’Assemblée Nationale lors de son discours d’investiture ou après l’attentat de Charlie Hebdo, disparu le dénonciateur des deux gauches irréconciliables qui proposait de changer le nom du parti socialiste, évanoui le pourfendeur des conservatismes syndicaux et corporatismes professionnels en tout genre qui bataillait pour faire adopter les projets de loi Macron puis El Khomri. Place au candidat consensuel qui rêve de réunir sur son nom les voix de toutes les femmes et hommes de progrès, pour mieux s’opposer au projet ultra-libéral et « destructeur des acquis sociaux » du candidat de la droite et du centre, François Fillon, comme à l’ultra-étatisme et à la préférence nationale prônés par Marine Le Pen au nom du Front National.
Dans cette course à la séduction de ceux qui se sont opposés parfois violemment à lui quand il gouvernait, la proposition plus récente de supprimer la procédure de l’article 49.3, qui facilite l’adoption des projets de loi contestés par la majorité parlementaire, apparaît comme le pas de trop. « Erreur de com » ont aussitôt dit certains de ses partisans pour le dédouaner. « Faute politique » plutôt, à notre avis.
Ministre de 2012 à 2014, Premier ministre jusqu’au 6 décembre dernier, Manuel Valls a été empêché de faire acte de candidature tant que François Hollande n’avait pas renoncé. Lorsqu’il se déclare enfin, il ne lui reste plus qu’un mois et demi, dont plus d’une semaine de vacances de fin d’année, pour réussir un tour de force : capitaliser sur son atout principal, qui est d’être le plus expérimenté des candidats de la primaire de la Belle Alliance, le seul à pouvoir revendiquer une expérience au plus haut niveau gouvernemental, ce qui implique d’assumer globalement le bilan du quinquennat Hollande, tout en se détachant autant que faire se peut des insuffisances du dit quinquennat.
En somme, faire en cinq semaines ce que François Fillon a mis près de cinq ans à réussir : transférer sur le Président le poids des échecs communs tout en se parant de l’autorité et de l’expérience acquises à ses côtés. Mais entre les deux anciens Premiers ministres, il n’y a pas qu’une différence de calendrier. Pour faire oublier sa propre responsabilité dans le bilan de Nicolas Sarkozy, François Fillon dispose d’une cible aisée, le bilan de François Hollande. Et c’est à travers une critique sans concession de ce dernier qu’il a pu faire entendre sa différence et progressivement s’éloigner du premier. Pour Manuel Valls, il est difficile, voire dangereux, de suivre cet exemple car cela revient à remettre en cause ce qui fait sa légitimité comme sa différence concurrentielle.
C’est pourtant ce qu’il a fait avec la proposition de réduction du champ d’application de l’article 49-3 aux seules lois de finances. Manuel Valls s’est trop engagé, avec la détermination et la vigueur qu’on lui connaît et reconnaît, lors des débats sur les projets de loi Macron et El Khomri pour que sa suggestion inattendue n’apparaisse pas comme un coup politique. Un coup qui n’a manifestement pas convaincu ceux qui se sont opposés à ces deux projets de loi, comme en témoigne sa mésaventure de Strasbourg la semaine dernière. Un coup qui a déçu ceux qui croyaient en sa stature d’homme d’Etat, en son autorité. Un coup qui a donc porté atteinte à sa crédibilité et qui, de fait, constitue plus une faute politique qu’une simple erreur de com.