Comment les jeunes générations forcent les entreprises à accélérer en matière de RSE
« Nous, jeunes diplômés, ne travaillerons pas pour TotalEnergies s’ils continuent à lancer des pipelines géants ». Plus de 800 étudiants et diplômés de Grandes Ecoles – X, HEC, AgroParisTech, CentraleSupelec… – ont signé une tribune dans Les Echos Start le 13 octobre dernier pour protester contre le méga-projet pétrolier de TotalEnergies en Ouganda. Et plus largement, contre les actions de l’entreprise qui refuserait « délibérément », selon eux, de suivre les recommandations du GIEC et notamment celle de ne pas créer de nouvelles infrastructures fossiles.
TotalEnergies avait également été la cible des polytechniciens le 24 juin dernier. Lors de leur remise de diplômes, la moitié des étudiants présents dans l’amphithéâtre de l’Observatoire de Paris avait tourné le dos à la vidéo de Patrick Pouyanné, parrain de leur promotion. Ces jeunes tout juste diplômés avaient alors dénoncé les actions du PDG du Groupe, représentant d’«un système responsable du dérèglement climatique et d’inégalités inacceptables.»
Autre remise de diplômes, autre manifestation d’étudiants. En mai 2022, huit jeunes diplômés de la promotion 2022 d’AgroParisTech ont à cette occasion prononcé un discours largement commenté, partagé et visionné sur YouTube (près de 1million de vues) contre leur « formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours ». Et d’annoncer qu’ils refusaient « des métiers destructeurs » auxquels les prédestinent leur école et de lancer un appel à leurs camarades de les rejoindre dans des luttes écologiques face à l’urgence climatique. France-Inter, la semaine dernière, leur a donné à nouveau la parole dans sa matinale.
Certes le nombre d’étudiants impliqués dans ces actions coup de poing reste marginal mais il n’en demeure pas moins que ces manifestations se multiplient et témoignent d’une tendance de fond. Les jeunes générations ont grandi avec la question du dérèglement climatique, et sont totalement imprégnés de ces sujets. De fait, leur exigence vis-à-vis des entreprises est de plus en plus pressante. Ils souhaitent des engagements environnementaux et sociétaux concrets de leur part. Et refusent de rejoindre des entreprises dont les actions ne seraient pas suffisantes. Ces revendications reçoivent un écho croissant dans les entreprises, dans un contexte où celles-ci ont de plus en plus de mal à recruter et à fidéliser leurs cadres de demain.
La quête de sens devient un des moteurs de choix essentiels pour les jeunes nouvellement arrivés sur le marché du travail. Aux Etats-Unis, près de 48 millions de personnes ont quitté leur emploi en 2021 au profit d’un métier correspondant mieux à leurs valeurs. Cette « grande démission » après la crise Covid n’a pas connu une ampleur similaire en France mais le nombre de démissions et de ruptures anticipées de contrat est en hausse : augmentation de 19.4% des démissions et de 25,8% des ruptures anticipées de CDD en 2021 par rapport à 2019 selon la DARES.
Dans ce contexte, les entreprises sont plus que jamais préoccupées par leur image auprès des candidats potentiels. La marque employeur peut alors être un levier pour attirer les talents mais elle ne suffit pas. La promesse doit être suivie d’engagements mais surtout d’actes concrets et mesurables. « Nous ne sommes pas dupes » avaient déclaré les jeunes signataires de la tribune dans Les Echos Start « tant que de nouveaux projets fossiles seront initiés par l’entreprise [TotalEnergies], nous ne la rejoindrons pas, quel que soit le poste proposé ».
Certaines entreprises se sont donc emparées du sujet et ont montré qu’elles voulaient agir. Récemment, 330 grandes entreprises telles qu’Unilever, Ikea, Danone, BNP Paribas, L’Oréal, Holcim, Roche, Tetra Pak ou encore Tata Steel ont ainsi signé une lettre ouverte au nom de la coalition « Business for Nature » affirmant : « Nous avons besoin que les gouvernements du monde entier transforment les règles du jeu économique et exigent des entreprises qu’elles agissent maintenant ». Elles ont ainsi anticipé les conclusions des négociations internationales sur la protection des écosystèmes qui prendront fin en décembre au Canada, lors de la COP15 Biodiversité.
Seules les entreprises qui mettront en place de réelles actions concrètes pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux auront une chance de sortir du lot aux yeux des candidats. Ainsi, sous la pression de jeunes toujours plus engagés, les marques pourraient finalement devenir les fers de lance de la lutte contre le dérèglement climatique et pour la protection de l’environnement.