
La communication de Paris pour l’attribution des JO de 2024

Après Boston, Hambourg et Rome, Budapest vient de retirer sa candidature aux Jeux Olympiques de 2024, sous la pression de plus de 200 000 signataires d’une pétition citoyenne. Événement mondial au retentissement considérable – 3,6 milliards de personnes avaient regardé au moins une minute des JO de Londres en 2012, et 5 milliards de personnes ont suivi les JO de Rio en 2016 sur les réseaux sociaux – les Jeux olympiques auraient-ils perdu de leur attrait ? Leur gigantisme ferait-il désormais plus peur qu’envie, entre coûts excessifs et soupçons de corruption ? A l’évidence.
Cela n’empêche pas pour autant les deux dernières villes en compétition, Paris et Los Angeles, de se livrer une bataille acharnée dont témoignent leurs stratégies de communication, dans le cadre d’une campagne qui s’apparente en tous points à une campagne électorale….à l’échelle mondiale.
Espérant être désigné par le CIO, le 13 septembre prochain à Lima, près de 100 ans après avoir accueilli ses derniers Jeux, Paris a connu trois déconvenues spectaculaires, en 1992, 2008 et 2012. Le dernier échec reste le plus cuisant, Paris se voyant coiffé sur le poteau par Londres, à la surprise générale, et ce malgré un dossier technique proche de la perfection. Cet échec s’explique en premier lieu par une communication trop institutionnelle, trop éloignée de la cible à convaincre, le monde sportif. En cause, notamment, la surexposition du maire de Paris, Bertrand Delanoë, alors que Londres était représenté par l’ancien coureur de demi-fond Sebastian Coe, deux fois champion olympique. Dans le même temps, le ministre français des sports Jean-François Lamour, lui-aussi double champion olympique, était pour sa part réduit à jouer les utilités dans la délégation française. Si le film présenté à Singapour par Paris à l’appui de sa candidature soulignait l’excellence technique de son dossier, celui de Londres était un hymne au sport et à l’olympisme, source de dépassement et vecteur de promotion individuel. Et on rappellera que le Premier ministre Tony Blair était en visite officielle à Singapour lors de la réunion décisive du CIO en juillet 2005 et ne s’est pas privé de faire campagne auprès de ses membres, jusque dans leurs hôtels, avec l’appui de David Beckham, star planétaire du ballon rond.
Pour gagner les Jeux olympiques, il faut en effet autant de savoir-faire que de faire-savoir.
Pour sa candidature de 2024, Paris semble vouloir en tous points s’inspirer de l’exemple de Londres. En témoigne l’évolution de sa communication. Dans un premier temps, la campagne est lancée autour d’une affirmation « Je rêve des Jeux » et d’une signature « La force d’un rêve », véhiculées par les plus grands sportifs français et répétées par des enfants dans les publicités télévisées. Puis, dans un second temps, le 3 février, Paris a lancé sa campagne internationale de promotion avec un slogan « Made for sharing » en anglais, et sa traduction en français « Venez partager ». Si cette signature en anglais a suscité de nombreuses critiques des associations défendant la langue française, qui reste la première langue de l’olympisme, elle a pour but de frapper les esprits à l’international et de témoigner d’une nouvelle posture plus ouverte, plus humble.
Dans le même temps, la candidature est portée par des sportifs et, en premier lieu, par Tony Estanguet, triple champion olympique de canoë, co-président du comité d’organisation, largement mis en avant dans toute la communication.
Pour les Jeux de 2012, Londres avait choisi comme deuxième axe de communication la véritable restructuration de ses quartiers Est, jusqu’alors très défavorisés, que permettrait la réalisation des principaux équipements et du village olympique. Dans le dossier Paris 2024, la candidature est autant celle de la Seine-Saint-Denis que de la ville.
Enfin Paris s’est doté du meilleur atout en termes d’influence pour s’assurer un bon relais avec l’aide du lobbyiste Mike Lee qui a déjà participé aux victoires de Londres puis de Rio. A priori, les leçons de l’échec de Singapour semblent avoir été parfaitement tirées. Mais en reprenant aussi fidèlement les ingrédients du succès de Londres, Paris n’est-il pas en retard d’une guerre ?
La candidature californienne s’appuie en effet sur l’attractivité de Los Angeles, présentée comme « la ville de demain » et est axée sur les nouvelles technologies, le développement durable et le respect de l’environnement, avec pour signature « follow the sun ». C’est la légende de la côte ouest, Silicon Valley, soleil et surf réunis, face au bon élève parisien, sportif, économe et socialement intégrateur !
Le combat est donc loin d’être gagné d’avance. L’issue est même imprévisible, d’autant plus qu’elle peut être influencée par des facteurs externes comme le « Muslim ban » voulu par Donald Trump ou le résultat des élections présidentielles de mai 2017 en France. Une victoire de Marine Le Pen ne serait en effet pas sans répercussions sur la candidature de Paris. Tout est communication et il est des messages plus forts que d’autres.