
Conséquences des élections européennes : « réorienter l’Europe » pour mieux assurer la continuité de la politique du gouvernement
Après la débâcle des élections municipales, voici la débâcle des élections européennes – c’est-à-dire : une abstention massive de 59,37%, un vote historiquement bas en faveur du PS, une victoire sans précédent du FN, une vingtaine de députés français eurosceptiques supplémentaires siégeant au Parlement européen, et à Strasbourg et à Bruxelles une coalition europhobe renforcée.
Quelle est la réponse du gouvernement à ce nouveau désaveu ? « De nouvelles baisses d’impôts sont nécessaires ».
Le Premier ministre Manuel Valls expliquait ce matin sur RTL que « les impôts étaient devenus insupportables pour les classes populaires et moyennes ». Quelques semaines après la défaite aux élections municipales, il évoquait également « la sortie de 650 000 ménages de l’impôt sur le revenu ». Face à la baisse de confiance des citoyens dans les institutions et dans les politiques, aux tensions identitaires et au relâchement du pacte social, l’exécutif pourrait-il tenter d’échanger des soutiens contre des baisse d’impôts ? Alors que l’électorat traditionnel de la gauche est parti ailleurs et que celle-ci a perdu le vote de la classe ouvrière, que le parti UMP risque d’imploser, que le FN se prépare pour les élections de 2017, la première réponse de l’exécutif est d’annoncer de nouvelles mesures fiscales. Bien que la politique fiscale soit l’un des rares leviers sur lequel le gouvernement a la main, l’appel du gouvernement à des baisses d’impôts trahit la volonté de l’exécutif de maintenir le cap politique annoncé, d’autant plus que des mesures fiscales comportant des réductions d’impôts en faveur des ménages ont déjà été annoncées en mai.
Il est indéniable que Manuel Valls cherche à marquer le coup : il a reconnu dimanche soir le caractère dramatique des événements qu’il a qualifiés de « choc », de « séisme » et, selon le communiqué de l’Elysée, il faut « tirer les leçons » de cet « événement majeur ». Les réunions de crise se multiplient aujourd’hui à l’Elysée et à Matignon – et elles sont sans doute toutes symboliques, car l’ampleur de la défaite était largement attendue.
Alors que les appels à des changements de politique se multiplient, le chef du gouvernement a déjà réaffirmé que sa stratégie reste inchangée et qu’il rejette la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale. En bref : exit la remise en cause de la ligne politique, place aux déclarations la confortant. Manuel Valls évoque « l’urgence de [rétablir] la confiance », et il répète que « la politique que nous menons a pour objectif d’être efficace ». Les éléments de langage utilisés par les ministres qui se sont rendus dans les talk-shows politiques se concentrent sur la nécessité de changer de cap politiquement, mais uniquement au niveau européen car le scrutin était destiné aux élections européennes. Au niveau national, la continuité est donc le mot d’ordre, comme en témoigne Laurent Fabius : « au niveau français, les seules réponses possibles sont dans l’action et les résultats ». Même les anciens membres du gouvernement, Jean Marc Ayrault et Pierre Moscovici, ont soutenu sur Twitter l’idée quelque peu dialectique de la continuité au niveau national combinée au changement au niveau européen : « après un tel choc, la priorité absolue : l’Europe doit changer », » maintenant, il faut réconcilier les Français avec l’Europe, en la recentrant sur la croissance et l’emploi « .
L’Europe est-elle le bouc émissaire de l’échec des politiques gouvernementales ? L’Europe est-elle coupable de nuire à ses Etats membres ? C’est, pour l’instant, le ton des messages délivrés par la majorité au pouvoir. La rhétorique déployée dans leur ligne de défense est proche de celle du FN, même si ce dernier utilise un langage plus offensif avec des appels à la sortie de l’Euro, voire de l’UE, alors que le PS se contente d’appeler à une modification des politiques européennes… Une telle « réorientation » pourrait devenir le point central des prochaines prises de parole de François Hollande, ce soir lors du journal de 20h ou demain mardi lors de la conférence de presse prévue à Bruxelles après la réunion des chefs d’Etat européens. Une annonce de François Hollande serait le signe de sa volonté ferme et inconditionnelle de maintenir sa politique au niveau national, tout en se résumant à un seul objectif : minimiser la responsabilité de l’exécutif dans cette nouvelle débâcle électorale, et ainsi réitérer sa volonté de poursuivre la même politique !