
De Benalla au remaniement, analyse d’une communication qui ne passe plus.

Ce qui était le point fort d’Emmanuel Macron pendant sa campagne et sa première année de mandat serait-il en train de devenir son point faible ? La communication millimétrée des premiers mois de sa Présidence laisse place, depuis quelques mois, à une communication nettement moins maîtrisée.
Les atermoiements autour de l’affaire Benalla ont ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffrée l’opposition. Depuis les critiques se multiplient et s’amplifient. La volonté de reprise en main de la communication présidentielle par l’exécutif, symbolisée par la mise à l’écart de Bruno Roger-Petit et la montée en puissance de Sylvain Fort dans l’équipe de l’Elysée, n’a visiblement pas encore porté ses fruits. Estimée à 30% par Kantar TNS, la cote de confiance du Président est en chute libre alors qu’elle avait mieux résisté que celle de ses deux prédécesseurs au cours de la première année du mandat.
La politique de la petite phrase
On se souvient des pointes d’humour de François Hollande, dénoncées par ses adversaires qui y voyaient une marque d’amateurisme. Aussi sérieuses que spontanées, les piques d’Emmanuel Macron sont à leur tour vilipendées par ses opposants politiques, qui en déduisent la déconnexion du Président avec les Français.
En quelques jours, le chef de l’Etat a d’abord qualifié les Français de « Gaulois réfractaires au changement », avant de conseiller à un jeune horticulteur de « traverser la rue » pour trouver un emploi dans l’hôtellerie ou la restauration. Avant l’été déjà, il faisait diffuser une vidéo, tournée dans son bureau, pour relever le « pognon de dingue » dépensé pour lutter contre la pauvreté, sans résultat.
A droite comme à gauche, on a dénoncé le « mépris » pour les Français d’un exécutif « donneur de leçons ». Ces phrases ne sont pourtant pas dénuées de signification politique : elles traduisent selon les proches du Président un langage de vérité destiné à décrire une réalité. Si la sortie sur les Gaulois avait pour objectif de saluer les réformes réussies du marché du travail danois et son modèle de flexi-sécurité, celle à l’adresse du jeune horticulteur se voulait une exhortation à la mobilité et à l’adaptation permanente dans un monde qui change.
Selon un sondage réalisé par Odoxa, une majorité de Français serait d’ailleurs en accord avec le contenu de ces « petites phrases ». Ils estiment en revanche qu’en qualité de Président, il ne devrait pas les prononcer. Ainsi est mise en cause la « présidentialité » dont Emmanuel Macron avait fait le point fort du début de son quinquennat, son point majeur de différenciation avec ses deux, voire ses trois, prédécesseurs.
Une chose est sûre, chacune de ces phrases, en occupant et parfois saturant l’espace médiatique, est venue affaiblir la communication du Gouvernement sur des sujets majeurs comme la loi ELAN, la loi Pacte, le Plan pauvreté, le Plan santé ou la réforme des retraites. Dans tous les cas, elles ont contribué à brouiller le message du Gouvernement et l’ont empêché de promouvoir efficacement son action.
Enfin, il faut noter que la plupart de ces « petites phrases » du Président ont jusqu’à présent principalement porté sur des marqueurs de gauche : chômage, aides sociales, politique de la ville. A ce titre, elles ont leur part dans le sentiment qu’au « en même temps de droite et de gauche » fondateur est venu s’ajouter un « et surtout de droite » qui contribue à déséquilibrer le positionnement du Président.
La perte du contrôle de la communication
Aux petites phrases, s’est ajouté depuis la rentrée un relatif désordre dans le fonctionnement du Gouvernement qui est également venu percuter la communication présidentielle.
Alors que la rentrée devait être l’occasion d’une relance de la dynamique gouvernementale, annoncée tout au long du mois d’août à grand renfort de confidences de l’entourage, les démissions de Nicolas Hulot et Laura Flessel dans un premier temps, puis celle de Gerard Collomb, ont largement entamé le crédit donné à la communication présidentielle.
Prenant de cours le chef de l’Etat et le gouvernement, la démission de Nicolas Hulot en direct au micro de France Inter est inédite par sa forme. Celle de Gérard Collomb, consentie alors que dans un premier temps le Président lui avait demandé de rester au gouvernement, a plus encore contribué à abîmer l’image d’un président jupitérien jusqu’alors tout en maîtrise et en contrôle.
Une semaine pour nommer François de Rugy, deux semaines pour choisir Christophe Castaner alors que dans les deux cas, ce fut le premier nom prononcé une fois connue la démission de leur prédécesseur. Si ces longues attentes avaient pour objectif de rappeler que le Président est le « maître des Horloges », les supputations qu’elles ont suscitées ont inéluctablement conduit au sentiment de déception qui a suivi l’annonce des nominations, loin du grand rebond annoncé.
En intervenant le soir même dans le Journal de 20h, Emmanuel Macron a, à l’évidence, voulu reprendre la main avec un mea-culpa appuyé sur sa politique des petites phrases, une humilité soulignée par l’utilisation de notes raturées, bien relayée par le réalisateur, et l’annonce d’initiatives audacieuses dans le domaine de la transition écologique. Il reste à savoir si le clair-obscur de la lumière, la gravité appuyée du ton et la complexité de certaines formulations n’auront pas empêché cette prise de parole non-programmée d’être la première étape de la reconquête.