
« Inversion ou inflexion de la courbe » du chômage et communication.
Lorsqu’il a annoncé en septembre 2012 que 2013 verrait une « inversion de la courbe du chômage », François Hollande a surpris la quasi-totalité des observateurs et suscité un scepticisme presque général. La constance pour ne pas dire l’obstination avec laquelle il a défendu tout au long de l’année cette prévision, rapidement ramenée au rang d’objectif, en a fait un marqueur majeur de son action politique et donc de son quinquennat. Il a clairement engagé sa crédibilité sur l’atteinte de ce résultat.
Aussi, le 26 décembre à 18h, toute la France des médias et de la politique s’est-elle arrêtée pour prendre connaissance des chiffres du chômage à fin novembre. Jamais l’attention portée à une telle publication n’avait été aussi forte. Et depuis lors les plus hautes autorités de l’État multiplient les interventions pour démontrer qu’ils traduisent une amélioration. Sans vraiment convaincre, tant ces explications sont complexes et de ce fait paraissent laborieuses.
Elles se heurtent à une double évidence: en novembre le nombre des demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a augmenté de 17800 après une baisse de 20500 en octobre et, sur les onze premiers mois de 2013, il a progressé de plus de 150 000 personnes. Difficile dès lors de constater une inversion de la courbe même s’il est vrai que le rythme de progression mensuel s’est significativement atténué, passant en moyenne mensuelle de plus 30.000 au premier trimestre, à plus 18.000 au second trimestre, puis plus 5.500 au troisième trimestre, mais à moins 1350 sur les deux premiers mois du quatrième trimestre (octobre et novembre).
D’où la volonté du Gouvernement de raisonner sur les deux derniers mois ou par trimestre. L’interprétation des chiffres du chômage est d’autant plus délicate qu’il existe deux autres catégories de demandeurs dites B et C (ceux ayant une activité réduite) et qu’au cours des derniers mois, elles ont évolué en sens inverse de la catégorie A. Ajoutons-y quelques indicateurs spécifiques, comme les chômeurs de longue durée ou les plus de 50 ans ou les moins de 25 ans, et chacun peut à chaque publication mensuelle trouver une raison d’espérer ou de désespérer selon son appartenance politique.
En communication, François Hollande et ses ministres risquent de s’enfermer dans une querelle renouvelée tous les mois qui minera leur crédibilité, cela d’autant plus que parallèlement les médias continueront à se focaliser sur les défaillances d’entreprise et les plans de licenciement massifs. Ce décalage répété et croissant entre une parole publique optimiste et une perception citoyenne négative finira par enlever toute signification à l’inversion lorsqu’elle se produira, si elle se produit.
La solution alternative serait de prendre acte que l’objectif est plus dur à atteindre que prévu en raison du retard pris dans le retour à une croissance significative et d’exhorter les Français à la patience. Elle n’aurait, en communication, de sens et d’efficacité que si elle s’accompagnait de l’annonce de mesures correctrices. Et donc d’une inflexion, pour ne pas dire une inversion, de la politique économique et sociale.