
La communication financière d’Elon Musk sur les réseaux sociaux : retombées garanties, efficacité discutable

« J’envisage de retirer Tesla de la Bourse à 420 dollars. Financement assuré ». Par un simple tweet posté le 7 août 2018, Elon Musk, fondateur charismatique et controversé de la société Tesla, a suscité l’affolement de Wall Street, en annonçant, en pleine séance, son intention de faire sortir l’entreprise de la Bourse. En quelques heures, le titre a bondi de 11 % après avoir été suspendu. Une hausse progressivement reperdu dans les jours suivants au fur et à mesure que s’amplifiaient les doutes sur la réalisation de l’opération. Car ce n’est pas tant le canal utilisé qui pose problème que le contenu même du message.
Les réseaux sociaux : nouvel espace de communication financière
Longtemps cantonnée aux communiqués de presse et aux rapports financiers, la communication financière est autorisée sur les réseaux sociaux aux États-Unis depuis une décision de la SEC (Security Exchange Commission), à la suite d’une publication sur Facebook en 2012 de Reed Hastings, patron de Netflix, annonçant que plus d’un milliard d’heures avaient été visionnées sur son site de streaming, avec pour effet une hausse spectaculaire du titre en Bourse.
Dans un premier temps, la SEC avait considéré que les règles de communication financière n’avaient pas été respectés, jugeant qu’un post sur Facebook n’était pas une communication officielle et accessible tous les investisseurs.
Le patron de Netflix se défendit alors en présentant son post comme une annonce publique.
Après des mois de tractation, le régulateur financier abandonna ses poursuites et jugea que les réseaux sociaux pouvaient être utilisés pour la communication financière tant que l’accès à la plateforme n’était pas limité et que les investisseurs étaient prévenus à l’avance du réseau social utilisé pour communiquer.
Dans le cas de l’annonce d’Elon Musk, l’accès à son fil Twitter est totalement public. Plus de 22 millions d’abonnés suivent régulièrement ses publications. Par ailleurs, plusieurs annonces importantes ont été effectuées par le passé sur ce canal. En 2015 par exemple, le dirigeant de Tesla a déjà surpris le marché boursier sur Twitter en affirmant que son prochain produit ne serait pas une voiture. Résultat, le mystère entourant l’annonce provoqua une augmentation de 900 millions d’euros de la capitalisation boursière de l’entreprise.
Le canal choisi par Elon Musk pour communiquer sur Tesla est donc conforme aux règles de la communication financière. Toutefois, le contenu de son message pourrait l’être beaucoup moins.
L’annonce d’Elon Musk : une communication financière inédite à haut risque
Jamais jusqu’ici, un dirigeant d’une entreprise cotée n’avait divulgué une information financière aussi sensible sur un réseau social comme Twitter. En annonçant que l’opération était financée et en précisant que le rachat serait proposé à 420 dollars par action pour les actionnaires souhaitant se retirer de l’entreprise, Elon Musk a de fait pris de gros risques.
S’il s’avère qu’une partie des éléments annoncés est inexacte, le message d’Elon Musk pourrait être considéré comme une information mensongère en vue d’une fraude boursière. Sa responsabilité juridique et pénale serait alors engagée.
En effet, la règle 14e-8 du gendarme américain des marchés boursiers interdit à des sociétés cotées d’annoncer des plans d’achat ou de vente de titres si les dirigeants n’ont pas l’intention de donner suite ou n’ont pas les moyens de les finaliser.
Et c’est tout le problème de l’annonce d’Elon Musk, lequel n’a fourni aucune information étayant ses propos, lesquels ont suscité des commentaires de plus en plus dubitatifs des analystes et de la presse financière, lesquels soulignent à l’envie que la société n’est pas en état de s’endetter pour financer l’opération et que les investisseurs ne semblent pas se bousculer pour accompagner le fantasque créateur de Telsa dans son nouveau pari.
Il n’y a de ce point de vue à l’évidence pas de différence selon les canaux utilisés, si ce n’est la rapidité et l’ampleur des réactions. Et une fois l’effet surprise estompé et le buzz effacé, Elon Musk se retrouve ramené à la situation précédente marquée par les doutes croissants des milieux financiers sur sa capacité à tenir ses engagements tant en terme de production de véhicules qu’en termes de résultats. S’il ne réussit pas à mener à bien son projet rapidement, il aura définitivement compromis sa crédibilité et risque de connaître le même sort que le fondateur d’Uber l’an dernier : se faire remercier par son conseil d’administration !