
Marques personnelles, marque d’entreprise : elles ont toutes en elles quelque chose d’émotionnel

Le branding management consiste à gérer la marque d’une entreprise ou d’une institution. Cette gestion est permanente et accompagne l’entreprise ou l’institution tout au long de sa « vie ». Il s’agit de raconter et enraciner une « histoire » qui constituera son territoire et son identité. Elle lui permettra aussi bien d’accélérer son développement que de faire face à d’éventuelles crises.
La disparition de Johnny Hallyday vient de rappeler à ceux qui l’auraient oublié que les stars sont également des marques qui se gèrent et produisent des effets similaires.
Le branding management s’applique en effet aux stars comme aux entreprises. Avec le temps, la marque de la star peut devenir tellement puissante qu’elle dépasse le stade de la reconnaissance par le public et s’inscrit plus ou moins profondément sur le terrain irrationnel de l’affectif. Marketing commercial et marketing personnel se combinent alors pour assurer la force et la pérennité de la marque star.
A n’en pas douter, « Johnny » est l’une de ces « marques », au delà de la personne de Jean-Philippe Smet. Son seul prénom suffit à déclencher une vision précise de lui même, de ses œuvres, de ses frasques et de ses attaches. Au delà du rationnel c’est la relation, à double sens, qu’a su nourrir l’artiste proche, empathique qui a créé cette marque hors du commun et cette trace indélébile. Un autre exemple emblématique pourrait être Beyoncé. Elle est aujourd’hui l’une des marques les plus puissantes de l’industrie musicale. Après avoir créé son groupe Destiny’s Child, en 1990, alors âgée de 9 ans, elle en restera longtemps la leader avant d’entamer une carrière en solo. Elle est devenue une icône, incarnant à la fois de multiples images : chantre du néo-féminisme, mère de famille, femme d’affaires, philanthrope… etc. En 2014, elle est même désignée « personne la plus influente du monde » par le Time puis « célébrité la plus puissante du monde » par Forbes. Grâce à son talent, certes, mais surtout à une gestion marketing omniprésente, Beyoncé a réussi à devenir « Queen B » et à bâtir un empire financier – évalué à près d’un milliard de dollars – en collaboration avec son mari, le rappeur JAY-Z.
A l’évidence, les marques les plus fortes sont celles qui réussissent à dépasser la reconnaissance professionnelle pour s’ancrer sur le terrain de l’émotion et de l’inconscient. Et là aussi, c’est vrai pour les stars comme pour les entreprises.
Apple, qui a longtemps été identifiée à son emblématique fondateur Steve Jobs, a su construire une image dépassant largement ses produits, touchant à l’affect des consommateurs. En effet, l’esthétique et les avancées technologiques n’expliquent pas à elles seules le succès de la marque à la pomme. Elle a su se rendre indispensable, comme en témoigne l’écrasante présence de produits Apple dans les films et les séries. Le géant américain a réussi à tisser un lien particulier avec ses utilisateurs en créant une réelle communauté d’ambassadeurs, d’advocates, voire même de fans au bord de l’hystérie lors de la sortie d’un nouveau téléphone.
Il en va de même pour les stars ; leur capacité à s’inscrire dans l’émotion nationale, ou même internationale, dans le cas de Michael Jackson, est ce qui distingue les « mega stars » des autres artistes ou sportifs.
Ainsi, Johnny Hallyday, durant près de soixante ans de carrière, aura su rester un symbole français, auquel chacun pouvait s’identifier, une marque puissante et fédératrice qui s’est inscrite dans le roman national de la France, de la société de consommation triomphante, puis de la crise et du doute. Ni son exil, ni ses démêlés avec le fisc, ni ses excès largement rapportés par les médias n’auront entaché son image. L’idole des jeunes est restée celle des parents puis des grands-parents tout en devenant celle de leurs enfants puis petits-enfants. Johnny Hallyday était, comme l’a rappelé le Président Emmanuel Macron dans son allocution place de la Madeleine, une part de la France et une partie de chaque Français. Sa mort aura ainsi rassemblé presqu’autant de monde que l’hommage du 11 janvier 2015.
Reste à savoir si l’image d’un individu peut survivre à la personne qui l’incarne.
Ne doutons pas que, dans le cas de Johnny Hallyday, le marketing commercial s’appuiera sur le marketing de la personne pour entretenir la flamme et aussi longtemps que possible « allumer le feu ».