La conférence de presse du 16 janvier 2024 : Rendez-vous avec la nation ou lancement de la campagne des européennes ?
La conférence de presse du 16 janvier du Président de la République se déroulait dans une atmosphère plus détendue et pédagogique qu’offensive. Après avoir, dans un exposé liminaire, rappelé les axes majeurs de sa politique et en avoir souligné la cohérence, Emmanuel Macron répondait à des questions trop diverses et inégales pour être mis en difficulté. Une certaine langueur s’installait. Quand soudain, le Président s’est animé et a fortement haussé le ton pour dénoncer le programme et la stratégie du Rassemblement national et affirmer qu’il les « combattrait jusqu’au dernier quart d’heure ». Révélant ainsi ce qui est, semble-t-il, devenu l’objectif majeur de son quinquennat : empêcher Marine Le Pen d’accéder à l’Elysée en 2027. Et pour cela, dans un premier temps, éviter un échec et a fortiori une déroute de la liste de la majorité présidentielle aux élections européennes. Car il est clair qu’un succès éclatant de la liste conduite par Jordan Bardella le 9 juin prochain fragiliserait le Président et son gouvernement pour le reste du quinquennat et surtout constituerait une rampe de lancement d’une efficacité redoutable pour la quatrième candidature de Marine Le Pen. C’est à l’aune de cet objectif qu’il faut analyser la séquence de communication ouverte lors des vœux du 31 décembre au cours desquels le Président a annoncé son futur « rendez-vous avec la nation » et dont la conférence de presse d’hier marquait l’ultime étape.
Une séquence en 3 temps.
D’abord le remplacement d’Elisabeth Borne plombée par les batailles de la réforme des retraites puis du projet de loi sur l’immigration et durablement handicapée par l’incapacité de son gouvernement à « imprimer » son action dans l’opinion publique. Au-delà des deux réformes citées, près de 50 lois ont été votées, malgré la majorité relative, depuis juillet 2022 Des mesures importantes sur la transition écologique et énergétique, le bouclier tarifaire par exemple ont été engagées. Sans convaincre. Place aux vrais politiques.
Avec, dans un premier temps, la nomination de Gabriel Attal jusqu’alors en charge du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse où en six mois, dans une démarche très politique, et à coup de mesures soit symboliques, soit très concrètes, il s’est taillé une popularité croissante dans toutes les couches de la population. Un Premier ministre dont les talents de débatteur avaient été remarqués, notamment face à Jordan Bardella, lors de la campagne présidentielle. Jeune contre jeune, animal politique contre animal politique. Quelle que soit la tête de liste de la majorité, Gabriel Attal jouera un rôle essentiel dans la campagne.
Puis dans un deuxième temps, la nomination du gouvernement « le plus jeune et le plus resserré de la 5ème République ». On a beaucoup souligné que sa composition traduisait un virage à droite et l’abandon du « et de droite, et de gauche ». Mais comme l’a dit le Président hier, ce qui compte ce n’est pas l’origine des ministres mais la feuille de route qu’on leur donne. Et les axes majeurs décrits comme la plupart des mesures détaillées par celui-ci avaient déjà été évoqués, étudiés ou annoncés par le précédent gouvernement. A l’exception notable de la reprise de contrôle des écrans ! En fait, ce qui caractérise le nouveau gouvernement, c’est le poids des femmes (R Dati, C Vautrin) et des hommes ( B Le Maire, G Darmanin) qui font de la politique avant tout ou ont une voix qui porte (E Dupont-Moretti), qui ont une marque forte et imprime dans l’opinion publique. Un gouvernement de débatteurs, un gouvernement de combat électoral. Le Président l’a d’ailleurs souligné lorsqu’il a répondu à la question sur la nomination de Rachida Dati.
Enfin, le choix lors de la conférence de presse, de thématiques qui devraient parler à la classe moyenne qu’il s’agit d’empêcher de basculer dans le vote Rassemblement National. Le réarmement civique, l’éloge du travail, du mérite et de la production, mots d’ordre sarkozystes par excellence, la référence à l’ordre juste, thème de la campagne de Ségolène Royal en 2007, autant d’appels plus ou moins discrets à cette partie de l’électorat qui sera décisive en juin prochain. Beaucoup de mesures qui de surcroit ne nécessitent pas de loi, sur le modèle de l’action de Gabriel Attal au ministère de l’éducation nationale.
La stratégie est claire, le dispositif est en place. Il ne reste plus qu’à faire preuve « d’audace, d’efficacité et d’action » et à attendre le verdict des Français le 9 juin au soir.