Paris 2024, entre envie des jeux et craintes d’une embolie dans les transports
La décision du CIO d’attribuer l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris le 13 septembre 2017 a aussitôt fait naître un de ces débats dont nous sommes friands : serons-nous prêts à temps ? L’état d’avancement des divers chantiers publiés par la société en charge de livraison des équipements, il y a quelques semaines a largement rassuré sur ce sujet… et a permis de concentrer l’attention sur ce qui pourrait être le point faible, voire noir, de l’événement, les transports urbains, entre insuffisance chronique des moyens et risques sociaux.
« Tout sera fait » pour éviter une grève dans les transports en commun lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 avait indiqué le Président de la République en juillet 2022. La nomination quelques mois plus tard de Jean Castex, connu pour son expérience du dialogue social et sa connaissance du monde syndical comme pour sa passion pour les transports, s’inscrivait sans doute dans cette optique de recherche du consensus interne et de l’évitement des conflits.
Pourtant, à seulement quelques mois des JO, la CGT-RATP, premier syndicat du transporteur public parisien, désormais rejoint par plusieurs autres organisations, a déposé un préavis de grève inédit courant de février à septembre 2024 : mode de communication légitime pour mieux marquer l’importance des agents de la RATP dans la réussite des JO et obtenir les primes réclamées ou moyen de pression déraisonnable et inquiétant alors que la France s’apprête à accueillir entre 10 et 15 millions de visiteurs en juillet et août ?
Dans le même temps, les élus de l’opposition multiplient les mises en garde ou pronostics catastrophistes que le Gouvernement essaie de démentir sans emporter la conviction. Alors que Gérald Darmanin assurait début mars 2024 que “La France est prête pour les Jeux olympiques”, les élus de l’opposition ne cessent d’affirmer le contraire. Déjà en novembre dernier, Anne Hidalgo déclarait que “les transports ne seraient pas prêts”. Valérie Pécresse avait eu bien des difficultés à apaiser l’inquiétude des Franciliens, reconnaissant le mois suivant que le télétravail permettrait “d’éviter l’embolie dans les transports”… On se rappelle que Rachida Dati déplorait dans une interview en avril 2023 le manque d’anticipation et de préparation de ce rendez-vous mondial. Sa récente nomination au gouvernement a été pour elle l’occasion de redire qu’elle “assumait” tous les propos qu’elle avait tenus par le passé…
Tout indique donc que les pouvoirs publics, derrière une sérénité de façade et de circonstance, sont inquiets face au défi que représentent les Jeux en termes de transports parisiens et cela se traduit dans leur communication. Une campagne de communication aux couleurs des JO avait d’abord été prévue par la RATP, visant à lutter contre les incivilités tout en faisant la promotion des Jeux Olympiques 2024. Elle comportait plusieurs clins d’œil au Basket, au Rugby, au 110m Haies, ou encore aux courses de relais. Rétropédalage : compte tenu de la saturation actuelle du réseau et, en conséquence, de celle à laquelle il faut s’attendre pendant les Jeux, c’est une campagne du gouvernement « Anticiper les jeux » que l’on peut voir aujourd’hui au détour d’un couloir du métro ou d’un wagon métropolitain. Cette campagne d’affichage incite les Parisiens à envisager des plans B aux transports publics pendant la durée de l’événement et donc tente de les dissuader d’utiliser ces derniers. Une attitude rare mais compréhensible au regard des enjeux. Au lieu de surfer sur l’enthousiasme qu’est censé générer cet événement de liesse populaire, les pouvoirs publics soulignent de manière discrète et à bas bruit les problèmes à venir, contribuant ainsi à faire croître l’anxiété chez les Français et plus particulièrement chez les Franciliens. En définitive, cette communication peut apparaître comme un aveu, et le débat revient : sommes-nous capables d’assurer leur bon déroulement des transports urbains à cette période ? Selon un sondage Odoxa pour RTL et Winamax publié le 7 janvier, 74% des Français expriment leur inquiétude à propos des transports lors des Jeux. Dans le même temps, ce sujet hautement sensible fournit de bons arguments aux médias étrangers toujours prompts à alimenter le French Bashing. “Travaux, polémique et protestations : comment Paris se prépare aux Jeux”, titrait par exemple le supplément hebdomadaire de La Repubblica fin janvier. Tensions, menaces de grève, hausse des prix dans les transports… plusieurs médias étrangers s’alarment : “Les tensions françaises planent sur la préparation des Jeux” prévenait El Pais l’été dernier. Le prix du ticket de métro va passer de 2,10 € à 4 € du 20 juillet au 8 septembre, alors même que la gratuité des transports en commun était l’un des arguments que la capitale faisait valoir dans son dossier de candidature en 2015. Certains s’interrogent même sur la véritable envie des Français de recevoir les JO 2024 compte tenu de la cacophonie qui se dégage des préparatifs, notamment dans les transports (Blick ou encore The Daily Telegraph).
Qu’en sera-t-il le moment venu ? L’expérience de la Coupe du monde de football de 1998, celle de l’Euro 2016 ou plus récemment de la Coupe du Monde de rugby montrent que l’enthousiasme et l’intérêt de la population croissent à mesure que l’on se rapproche de l’évènement… et en fonction des résultats des sportifs français. Mais force est de reconnaître que dans l’immédiat, la mobilisation et la ferveur, que le gouvernement aimerait tant susciter peinent à apparaître. Plutôt que de continuer à osciller entre optimisme de commande et tentatives discrètes d’alerter les Franciliens, les pouvoirs publics feraient mieux de reconnaître l’étendue du problème et de mobiliser entreprises et habitants de l’Ile-de-France. Seul un renforcement massif de la campagne sur les mesures prises pour éviter la congestion, exemples concrets à l’appui, permettrait de rassurer et donc d’améliorer l’image que la France donne de son envie de partager les Jeux, pour reprendre le slogan officiel de la candidature Paris 2024.
Eric Giuily avec l’aide de Marguerite Pasquier-Hedde et Alexane Lirzin