
Racing 92 – Stade Français : fusion cachée – fusion ratée

Si l’annonce tonitruante lundi dernier de la fusion des clubs de rugby du Racing 92 et du Stade Français, par leurs présidents, a pris par surprise toutes leurs parties prenantes, son abandon dans la plus grande discrétion, moins d’une semaine après, n’aura étonné personne.
Tant il est vrai que l’erreur initiale de communication commise par excès de précipitation condamnait d’emblée le projet.
Propriétaires de leur club, dans lequel ils ont investi une large partie de leur fortune personnelle, les deux présidents ont cru qu’ils pouvaient en disposer en toute liberté, comme ils l’avaient fait quelques années auparavant de leur société respective.
Ce faisant, ils ont oublié qu’un club sportif, surtout de haut niveau, n’est pas une entreprise comme les autres, même à l’heure du professionnalisme et du marketing roi. Un club, c’est une histoire, faite notamment de rivalités avec d’autres clubs, un ancrage local, des supporters mais aussi des joueurs et des salariés, des clubs concurrents, une Fédération, des médias à l’affût de « bons » sujets….
Quand l’icône du rugby français, ancien capitaine de l’équipe de France, Pascal Papé appelle ses coéquipiers du Stade Français à faire grève et que la Maire de Paris, soutien historique du club, fait part de ses préoccupations, il devient assez vite évident que le projet ne va pas prospérer. Et très vite l’ensemble du milieu se mobilise et fait pression. Avec une efficacité indéniable.
Qu’aurait-il fallu faire pour éviter une telle impasse ?
Préparer le terrain, si l’on peut dire s’agissant d’un sport de ballon, et bien choisir le moment.
Plus un projet est sensible, plus il est de nature à provoquer des réactions et résistances, moins il faut prendre les parties prenantes par surprise. Il faut « instiller » progressivement l’idée que la situation ne peut rester en l’état. Et que faute d’y apporter une solution, certes difficile mais qui présente un certain nombre d’avantages, en l’espèce doter la région capitale d’un club capable de rivaliser avec les meilleurs dans la durée, le club risque de disparaître purement et simplement.
Cela suppose un effort de pédagogie auprès de toutes les parties prenantes dans le temps, par étapes, en adaptant les messages et les vecteurs à chacune d’entre elles. Si le Stade Français a eu une histoire mouvementée et a déjà frisé la liquidation, qui était conscient qu’après avoir conduit un redressement brillant, son nouveau propriétaire était confronté à de nouvelles difficultés et sur le point de jeter l’éponge ?
La deuxième règle d’or, c’est de bien choisir le moment de l’annonce.
S’agissant de la fusion de deux clubs, la période ne peut être propice tant que le championnat n’est pas terminé. Tous les autres clubs pouvaient craindre qu’une perte de motivation de joueurs du Stade Français, sans même parler des conséquences d’une éventuelle grève, vienne perturber la fin de la compétition. Et notamment ceux qui ont déjà joué leur match retour contre le Stade Français pouvaient se demander si les équipes qui devaient encore l’affronter ne bénéficieraient pas d’un traitement « de faveur » de la part d’une opposition n’ayant plus d’enjeu ou d’avenir. Avec à la clé, des distorsions tant pour la qualification pour les phases finales que pour la relégation des derniers.
Faute d’avoir respecté deux des règles d’or de la communication sur des projets sensibles, les deux présidents ont dû pendant le week-end battre en retraite. Leur projet rejoint ainsi la liste assez fournie des projets de fusion mort-nés dont le dernier, tout récent, était en février celui de Kraft-Heinz avec Unilever. Maigre consolation, il aura tenu 6 jours contre 2 pour celui des deux multinationales !